Plus fort que lui ! Je me demande même s’il est capable de penser. Entendre : avoir un raisonnement qui s’articulerait autour d’idées logiques, cohérentes et congruantes. C’est dans la nature intrinsèque du personnage. Il devait être aux abonnés absents quand la bonne fée Intelligence est passée pour la distribution. Le très prolixe porte-parole de l’UMP n’en rate jamais une et je dois rater bon nombre de ses ineptes “sorties”… A l’impossible nul n’est tenu ! Même en travaillant beaucoup et longtemps, un certain nombre de ses diatribes diarrhéiques m’échappent ou ne valent pas de s’y arrêter.
Mais là, il dépasse le “mur du çon” – merci au Canard Enchaîné ! – et fait preuve comme à son accoutumée de la mauvaise foi la plus totale. Je lis sur le Journal du Dimanche qu’il rend Huchon responsable de l’agression d’un lycéen au lycée Adolphe Chérioux de Vitry : “Jean-Paul Huchon se défausse de ses responsabilités comme d’habitude (…) Son nouveau surnom pourrait être ‘Ce n’est pas moi”, écrit le porte-parole de l’UMP dans un communiqué daté de vendredi. “Depuis 2004 ce lycée réclame une clôture pour des raisons de sécurité. Depuis 2004 Huchon et ses amis communistes se renvoient la balle car le département est propriétaire du terrain et la région des murs. Ce sont les élèves et les enseignants qui paient les pots cassés”.
Pour une fois que l’UMP s’intéresserait aux enseignants autrement que pour en réduire le nombre de façon toujours plus drastique… Ne rêvons point : il y a toujours loin du discours – électoraliste – à la réalité.
Or, on pourra accuser Frédéric Lefebvre de “mentir… comme d’habitude” ! En effet, un article du Point Agression à Vitry-sur-Seine : Huchon pointe “l’exploi-tation politique de cette affaire” par Chatel rétablit la vérité des faits. Lesquels sont au moins aussi têtus que mémé Kamizole… C’est dire !
D’une part, le président sortant du Conseil régional fait remarquer que la Région n’a le lycée Adolphe Chérioux de Vitry – qui appartenait au conseil général - que depuis la fin 2009… A peine un mois pour changer les choses, même Hercule n’y serait point parvenu. Je lui demanderais bien plutôt de nettoyer les véritables “écuries d’Augias” du pouvoir sarkoïdal : Elysée, Matignon et ministères…
Et qui plus est, Jean-Paul Huchon qui dénonce “l’exploitation politique de cette affaire” par le gouvernement, remarquant que “Manifestement, Monsieur Chatel fait la campagne de ma concurrente” - Valérie Pécresse (UMP) - affirme que le diagnostic de sécurité de ce lycée qui n’aurait pas été suivi d’effet - évoqué par le ministre de l’Éducation - avait été fait “en catimini”, sans concertation avec la région et qu’il ne lui était “jamais parvenu”.
Il a également indiqué que la région était “responsable des 471 lycées de l’Éducation nationale”. “Pas un seul n’était sécurisé quand je suis arrivé (en 1998). Aujourd’hui, il y en a 400 de sécurisés et plus de 20 à 30 qui sont en travail”.
Pour avoir une idée exacte et correcte du problème il faut lire l’article de Sophie de Ravinel dans le Figaro du 6 février 2010 Pécresse accuse Huchon de «passivité» en matière de sécurité … Ah ! celle-là… elle ne se caractérise pas non plus par sa grande intelligence. Pécresse rime avec… ce que vous voulez. Tout ce qu’elle trouve à répondre étant que «Jean-Paul Huchon, président PS sortant de la région Ile-de-France est candidat pour un troisième mandat». Et alors, Juponne-la-joie ? C’est un argument politique, ça ? Electoraliste. Point barre. Il se trouve que précisément le lycée Adolphe Chérioux est au cœur d’un imbroglio à la fois juridique et politique.
La Région est propriétaire des murs du lycée mais celui-ci est implanté sur un parc qui est propriété du Conseil général du Val de Marne dont le président est Christian Favier (PC). Or, s’il est bien exact que le diagnostic de sécurité établi par le rectorat en mai 2009 n’a «pas été transmis formellement au Conseil général» - comme doit bien l’admettre le nouveau recteur d’académie William Marois… nommé par Nicolas Sarkozy, il ne risque pas de faire des vagues ! tout le monde tremblant pour son poste en Sarkozie – il avance que le conseil d’administration du rectorat, en mai, a évoqué «des problèmes d’insécurité sur le campus».
A cette réunion participait effectivement la socialiste Elisabeth Gourévitchi, Vice-présidente la région en charge des lysées qui confirme les tensions entre le conseil général du Val-de-Marne et la Région qui tiennent en effet à la question de la propriété du parc sur lequel est établi le campus et donc le lycée. Or, pour établir un périmètre clos de sécurité, il faut rétrocéder du terrain à la région, propriétaire de l’établissement scolaire et dit-elle «Au cours de nos discussions, explique Élisabeth Gourévitch, j’étais intraitable sur le périmètre nécessaire aux élèves que je souhaitais le plus large possible… » Des discussions difficiles donc, «compte tenu du prix du terrain».
Or donc, des questions de gros sous…Le conseil général admettant qu’il y a eu «des discussions». Mais pour Michel Coronas, chef de cabinet de Christian Favier, «la vidéosurveillance n’a pratiquement aucun effet préventif» et « la résolution des problèmes ne passe pas par les murs». Il pointe surtout «la diminution des effectifs» et «la responsabilité de l’État».
Sans doute mais les problèmes se posent hic et nunc et non dans la “vie rêvée des anges”. Quand la maison brûle, on ne demande pas aux pompiers d’attendre le déluge qui éteindrait l’incendie.
Bien évidemment, l’Etat est responsable du sous-effectif chronique et de la diminution drastique du nombre de surveillants depuis déjà pas mal d’années. La mère Pécresse aura beau tonner «On est toujours dans cette stratégie stérile du : c’est pas moi, c’est l’État» et porter à son crédit les «3 800 médiateurs de la vie scolaire recrutés cette année par l’Éducation nationale» - voir infra le peu de bien que j’en pense – et demander d’utiliser «dès maintenant les crédits dédiés aux 5 000 emplois-tremplins promis en 2004 qui n’ont jamais été créés par Jean-Paul Huchon pour embaucher autant de surveillants-tuteurs»…
Je ne saurais dire si elle dit vrai ou pas sur ce chapitre. D’une part, le mensonge est érigé en sport national olympique à l’UMP - avec Nicolas Sarkoy comme coach - et elle joue les pompiers pyromane car l’on ne cessera jamais de dire combien l’Etat – surtout sarkoïdal ! – se défausse en permanence sur les collectivités locales de missions qui sont de sont ressort sans transférer les fonds nécessaires.
A cet égard, la suppression de la taxe professionnelle – dont on sait qu’elle ne sera intégralement compensée que cette année – n’arrangera rien aux finances des collectivités locales. D’ailleurs, cette mesure a pour essentiel but de les pousser à augmenter les impôts locaux de manière à pouvoir dire : voyez comme la gauche gère mal.
En outre, la sécurité des établissements scolaires ne se résout pas uniquement par des mesures techniques de contrôle des enceintes ou autres caméras de surveillance, il s’en faudrait de beaucoup. Jean-Paul Huchon fait remarquer à juste titre «qu’à un moment donné la seule garantie, c’est la présence humaine dans l’établissement d’un nombre de surveillants suffisant”. Les enseignants du lycée où un élève a été agressé mardi réclament un doublement du nombre de surveillants (de 11 à 22) pour cet établissement de 1.500 élèves, lis-je sur un autre article du Point Agression d’un lycéen à Vitry : les enseignants maintiennent la pression.
Or, le rectorat n’a concédé que trois surveillants et six “médiateurs scolaires”… Les surveillants, je connais mais les “médiateurs scolaires” je me demandais bien à quoi pouvait correspondre ces “OVNI” de l’Education nationale. La réponse figure dans ce même article. Elle est donnée par Jean-Michel Gouezou, secrétaire départemental du SNES pour qui la situation s’est dégradée ces dernières années dans le lycée. “On leur propose des médiateurs de réussite scolaire, des gens qui vont être recrutés via le Pôle emploi pour des contrats renouvelables une fois. Or, le lycée a besoin de personnel fixe, stable, qui puisse développer des rapports de confiance et d’autorité avec les élèves”.
Mais Luc Chatel – j’hésite parfois entre “Bécassin” et “L’idiot de la famille” (UMP - où il y a pléthore) – ne veut pas aller plus loin que les propositions du rectorat Luc Chatel sur RTL : “Pas de postes supplémentaires pour le lycée Adolphe-Chérioux”. Sans doute «sanctuariser» les établis-sements d’éducation - dixit Nicolas Sarkozy - mais sans y mettre les moyens. Surtout humains : haro sur l’emploi et les fonctionnaires en particulier.
Le summum du ridicule est atteint par le député UMP Lionnel Luca qui demande à Luc Chatel de recruter des surveillants dans les rangs des pompiers et gendarmes retraités pour renforcer la sécurité. En voilà un qui n’a rien compris au film. “Surveiller et punir” comme mission éducative, on trouvera mieux ! Pourquoi pas aussi des miradors et des vigiles en arme ?
Ce serait sans doute perdre mon temps qu’essayer de lui faire comprendre que la notion bien comprise “d’autorité” ne signifie pas matraque et répression. “L’autorictas” implique avant tout le charisme et la vertu de l’exemple. Les surveillants participent à l’éducation des élèves au même titre que les enseignants. Ce n’est pas “trois petits tours et puis s’en vont”. D’autant que l’on peut se demander sur quels critères seraient recrutés les demandeurs d’emploi.
Le lycée Adolphe-Chérioux ressemble plus à un campus universitaire – bien décrit dans un article du Figaro Agression d’un lycéen à Vitry : le conflit s’envenime «Un petit air de campagne. La cité scolaire Adolphe-Chérioux de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) ne ressemble en rien à ces tristes lycées de banlieue construits à la va-vite autour d’une cour bétonnée. Son vaste parc arboré de 36 hectares pourrait être un havre de paix pour élèves rêveurs ou travailleurs, il s’est transformé en un piège que la plupart traversent rapidement, sans jeter de regards aux alentours, histoire de ne pas «se faire repérer», «traiter» (injurier). Car telle est l’obsession de ces adolescents rencontrés aux alentours de l’établissement. Pour aller d’un bâtiment à l’autre, distants parfois de dix minutes à pied, certains se mettent même à courir, «surtout quand la nuit tombe tôt».
Bonjour l’ambiance ! Même si je n’en ai pas été victime, j’ai connu des problèmes de sécurité relativement semblables sur le campus de la fac de Villetaneuse, coincée entre plusieurs cités plutôt craignos, avant qu’il ne soit entouré par une clôture et donc je n’en suis nullement étonnée.
C’est la loi des cités – en même temps que ce que je nomme “chronique de la barbarie ordinaire” - qui s’invite dans les établissements scolaires.
C’est la notion même de “civilisation” qui est en péril. Nous savons depuis Paul Valéry que «les civilisations sont mortelles». La nôtre est pour le moins moribonde. Cette violence endémique qui n’atteint d’ailleurs pas exclusivement les quartiers réputés difficiles s’est répandue dans toute la société.
Le phénomène n’est certes pas nouveau mais atteint des proportions véritablement effrayantes. Pas seulement en France. J’en veux pour preuve un colloque organisé en avril 1998 à la Maison de la chimie par la revue «Cultures en mouvement» et auquel j’avais assisté avec un ami dans le cadre d’une recherche dans le domaine du travail social à laquelle j’apportais ma modeste contribution. L’intitulé du colloque qui portait – déjà ! – sur la violence dans les banlieues était évo-cateur : «Sommes-nous déjà en guerre ?» de même que le sous-titre «Dire l’horreur d’aujourd’hui». Ce constat fait à l’époque par les différents intervenants n’étaient guère réjouissant qu’en serait-il 12 ans plus tard ?
Pendant les deux journées du colloque j’avais nettement ressenti l’attente du public consistant à faire d’un tel lieu de rencontres, d’échanges et de débats, le lieu central d’une transformation de la société devant l’impuissance des partis politiques. Même impression au demeurant que lors de la 1ère assemblée générale des Amis du Monde diplomatique, quelques années auparavant. Rôle que de tels lieux ne peuvent tenir, sauf à perdre leur spécificité «d’intellectuel collectif».
Je me souviens par ailleurs avoir entendu en 1995 dans une réunion fédérale du Parti socialiste du Val d’Oise des enseignants socialistes parler des difficultés de leur métier dans les banlieues et de leur quasi impuissance à gérer tous ces problèmes de violence dans – et autour – des établissements. Malgré toute leur bonne volonté.
Les poings ou les armes remplacent la parole quand les mots manquent. C’est ce que dit Barbara Lefebvre dans un texte admirable dont j’ai déjà parlé, paru dans Le Monde après l’odieux meurtre sauvage d’Ilan Halimi par des individus qui n’hésitaient d’ailleurs pas à s’intituler eux-mêmes “barbares” : Des barbarismes à la barbarie. Où elle démontrait comment des jeunes qui n’ont à peu près que 400 mots de vocabulaire à leur disposition ne peuvent articuler un discours rationnel et logique. La responsabilité de l’école en particulier et de la société en général est une évidence.
Aborder ces questions sereinement et sans mauvaise foi dans un large débat national est à l’évidence UM/Possible… La tournure prise par le non moins nécessaire débat sur l’identité nationale en est une preuve suffisante. L’électoralisme à courte vue et l’intelligence font rarement bon ménage quand les slogans tiennent lieu de pensée.
Je ne doute pas qu’il y ait des personnes de bonne volonté et intelligentes au sein de l’UMP qui sont au moins aussi catastrophées que moi devant l’infinie connerie partisane déployée par tous ces bouffons mais ce sont hélas eux qui se tiennent sur le devant de la rampe ultra-médiatique. Pourtant, la France et la cohésion sociale – parce que c’est bien de cela dont il s’agit en dernière analyse : comment vivre ensemble – mériteraient mieux que ces ridicules anathèmes politicards.