Ilham Moussaïd porte le voile. Elle est française, étudiante, féministe, et quatrième sur la liste NPA du Vaucluse. C’est trop. Beaucoup trop pour un pays comme la France. Beaucoup trop pour une nation en plein maelstrom identitaire. Le pays des Lumières, l’ex-fille aînée de l’église, ne tolère pas qu’une candidate locale fasse état de son appartenance religieuse. En France quand on est musulman, on l’est avant toute autre chose. On l’est avant d’être militant, citoyen et peut être même humain.
Ce sont toujours les mêmes qui trinquent. En l’occurrence les femmes. En France, pour lutter contre l’asservissement religieux, on prévoit de punir les femmes. Seulement les femmes. « À foi égale », une femme sera expulsée d’un lycée, empêchée de se présenter sur une liste électorale, alors qu’un homme n’encourt aucune sanction, ni prohibition. La bataille pour la laïcité se cantonne à éliminer du paysage les signes distinctifs. N. Sarkozy prononça un discours moyenâgeux à Latran, C. Boutin proche des milieux fondamentalistes chrétiens occupa des postes gouvernementaux. Les cohortes du parti présidentiel sont garnis de culs bénis, quand à la gauche elle regorge de gentils militant qui se présente eux-même comme « cathos » de gauche. Quant aux démocrates-chrétiens, ils ont prospéré dans tous les pays européens. Mais tous ces points semblent largement échapper aux fanatiques de l’égalité. Il est préférable de porter le fer sur une militante radicale.
Car de manière sous-jacente c’est la dimension ethnicoreligieuse qui pose problème. Les amalgames instantanés véhiculés par l’ambiance méphitique de ce pays permettent tous les écarts. Il faut sans cesse réitérer des banalités pour s’extirper de l’embrouillamini nauséeux : Arabes, musulmans, immigrés, délinquants, terroristes. Et dans le contexte post 2002, tout n’est que phantasme sur la république en danger. E. Zemmour, l’éditocrate racialiste voit une cinquième colonne sarrasine mobilisée par les communistes pour piller le pays, « une nouvelle chaire à canon pour la révolution ». Comme si le NPA avait un projet sérieux de révolution.
Enfin, l’aliénation. Car il est certain qu’un voile est toujours une aliénation. Telle, qu’une fille de 22 ans, étudiante en BTS, décide de faire partie d’un mouvement politique de gauche. Elle déclare « défendre l’avortement et l’homosexualité ». La soumise va jusqu’à se présenter devant le suffrage démocratique. Un exemple irréfutable d’ostracisme anti-laïc. Car toute vérité en politique est un mensonge, un féministe voilée relève de la manipulation.
La République se vit cheveux aux vents. Symbole ultime dans la libre pensée. La musulmane n’a pas le droit au chapitre, tant qu’elle ne quittera pas ses ostensibles défroques. Chapeautée par des féministes et des « sages » qui savent mieux ce qui est bon pour elle. On lui préfère une citoyenne à la conscience molle exhibant string Prada et nombril. Ces intransigeants ne mégotent pas sur les valeurs fondamentales de notre société, particulièrement en ce qui concerne une jeune fille voilée. Ce sont d’ailleurs les mêmes, qui pour sauvegarder la pureté laïque de la grande nation française infligeront des contraventions au petit millier de femmes déjà cloîtrées qui portent la burqa.
Vogelsong – 6 février 2010 – Paris