Rigueur, vous avez dit rigueur ? Mercredi à Lille devant le congrès de la FSU, Bernard Thibault a indiqué qu’”un véritable plan de rigueur” était en préparation. Le secrétaire général de la CGT a rappelé que Nicolas Sarkozy avait commandé une série de rapports lors de la conférence sur les déficits publics et en a conclu que, “c’est bien un plan de rigueur qui se prépare, sans concertation et qui risque de durer des années“. De fait, sous la plume de l’économiste Nicolas Bouzou, la fondation pour l’innovation politique (Fondapol ), boîte à idées de la droite libérale, publie ce mois une étude au titre trompeur : “Stratégie pour une réduction de la dette publique française “. Ni plus ni moins qu’un véritable plan de rigueur.
Sylvain Besson, correspondant à Paris du quotidien Helvétique Le Temps, nous rappelle que, “Dans le vocabulaire politique français, le «tournant de la rigueur» a un sens bien précis: c’est le moment où les promesses intenables se fracassent sur la réalité, et font place à l’inévitable serrage de ceinture budgétaire“. Pour le journaliste Suisse, nous y sommes, même si le mot même de rigueur est prudemment évité. Sylvain Besson base son analyse sur l’annonce de François Fillon de la semaine dernière de gel du budget des ministères et des dépenses des collectivités locales, ainsi qu’une croissance des dépenses publiques inférieure à 1% durant au moins trois ans.
La perspective des élections présidentielles de 2012 constitue bien le seul frein aux sirènes de la rigueur. Jean Peyrelevade juge, dans une analyse intéressante , que la mise en place d’une politique de rigueur est incontournable.
Désirée à droite, elle est redoutée à gauche car personne ne s’y trompe, l’essentiel de l’effort pèsera sur les épaules des classes moyennes et des personnes en situation précaire. Il n’empêche, l’ancien PDG du Crédit Lyonnais voit juste lorsqu’il évoque une prise de conscience du caractère insoutenable des finances publiques.
Ce sentiment est partagé par Nicolas Bouzou qui estime dans le cadre de la Fondapol que la thématique de la réduction de la dette publique consituera l’un des sujets centraux de l’élection présidentielle de 2012. L’économiste relève que la question de la dette publique un sujet largement anxiogène pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’énormité des sommes en jeu puisqu’on parle d’une dette supérieure à 1000 milliards d’euros et un déficit budgétaire annuel de 140 milliards d’euros. Déjà très conséquente en euros, ces sommes prennent des proportions qui dépassent l’imagination lorsqu’on procède à leur conversion en francs. Ensuite, avec bon sens, les Français ont l’intuition que cette dette se traduira tôt ou tard par une augmentation des prélèvements obligatoires au moment où les classes supérieures seront pour leur part protéger par le bouclier fiscal. S’ajoute à cela le sentiment bien réel de léguer aux générations futures une charge qui viendra les pénaliser dans un avenir assombri par des dossiers sensibles et complexes que sont ceux de la retraite et du sauvetage du système de protection sociale.
Nicolas Bouzou juge qu’une dette public excessivement lourde génère trois risques majeurs. Une perte de marge de manœuvre devant un service de la dette devenu premier poste budgétaire loin devant l’éducation nationale la défense ou la recherche. Deuxième problème, l’épée de Damoclès que constitue la possibilité d’une augmentation des taux d’intérêt et donc une explosion de la dette. Troisième point : le risque pur et simple de faillite de l’État.
Difficile de dire si Nicolas Bouzou noircit le tableau mais, il estime que la situation financière de l’État français est particulièrement mauvaise, justifiant cette inquiétante appréciation par l’existence de dettes cachées ou implicites (en référence aux retraites des fonctionnaires), ainsi que par l’incapacité de notre pays à réduire la dépense publique.
Nicolas Bouzou tord le cou à la solution de facilité qui consisterait à miser sur le retour d’une inflation supposée effacer comme par miracle la charge de la dette. La seule solution à ses yeux, passe par des recettes supplémentaires (issues de la croissance ou de prélèvements obligatoires supplémentaires) ainsi que par une maîtrise des dépenses.
Le hic, c’est que la croissance économique de la France devrait rester très modeste ces prochaines années. Ne restent donc plus que l’augmentation des recettes et la diminution de la dépense publique.
À juste titre l’auteur de la note de la Fondapol relève que l’augmentation des prélèvements a plus une connotation de gauche, alors que celle de réductions de dépenses publiques est plus un marqueur de droite.
A droite justement on considère que toute augmentation des charges sociales reviendrait pénaliser l’emploi et donc à réduire à moyen terme les recettes de l’État. L’augmentation des recettes passerait donc non pas une hausse des prélèvements au niveau des entreprises mais au niveau des ménages via une hausse de TVA, fût-elle requalifié de TVA sociale.
Concernant la réduction des dépenses publiques, Nicolas Bouzou pose trois conditions à la réussite de cet objectif. Une baisse de la dépense publique qui doit s’inscrire sur le long terme et faire l’objet d’un consensus national. Une baisse de la dépense publique qui vise à transférer les emplois supprimés du secteur public au secteur marchand. Une baisse des dépenses publiques qui ne soit pas conjoncturelle mais structurelle.
Et c’est là où le programme de la droite se dévoile, articulé en cinq points.
Encadrer les déficits publics, comptes sociaux compris, par une règle constitutionnelle. Réduire le nombre d’échelons administratifs tout en maîtrisant leurs dépenses. Réaliser des économies d’échelle via la mutualisation des services de l’Etat. Réduire le périmètre de la puissance publique par le recours à des privatisations à grande échelle. Enfin, distinguer dans l’assurance-maladie ce qui relève de la solidarité de ce qui relève du privé. Autrement dit, renforcer la part de l’assurance privée dans les dépenses de santé.
Comme le dit Bernard Thibault, nous voilà prévenus.
Crédit photo : Wikipédia
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