Pourquoi les femmes connaissent-elles une baisse de la libido après la naissance d’un enfant ?
Un changement de but de la libido s’avère tout à fait normal, voire nécessaire. La grossesse requiert beaucoup d’énergie, de même que l’accouchement. La libido, énergie sexuelle de vie qui englobe nos désirs, nos envies, nos pulsions, se retrouve donc totalement bouleversée.
En fait, je ne parle jamais d’une baisse de libido, mais plutôt d’un détournement de but de celle-ci. Quand elle est enceinte, la femme investit l’enfant qu’elle attend, d’une libido narcissique : elle rêve son enfant, idéal, parfait. Il est l’objet de toutes ses projections. Quand il naît, elle a désormais affaire à un être humain distinct. Elle développe alors des liens puissants avec lui. C’est que l’on nomme la période de lune de miel avec le bébé, ou en termes plus psychanalytiques, la “folie maternelle”. Sa libido est entièrement captée par son nourrisson, et détournée de son compagnon. C’est une phase normale de l’attachement qui se développe entre la mère et l’enfant.
Une maman peut même ressentir des émois érotiques en allaitant son enfant, en le serrant contre elle pour lui donner son biberon, en le touchant, en le caressant… Mais ces ressentis arrivent rarement à sa conscience tant ils sont masqués par le refoulement. Sauf que son corps peut lui, se sentir comblé sexuellement, sa libido ayant investi une autre personne.
Quand ce “détournement” de libido cesse-t-il ?
Il y a forcément un moment où la mère va devoir se tourner vers son compagnon pour l’introduire dans cette relation si fusionnelle. Sinon, s’il se sent tenu à l’écart, il peut développer, soit des réactions de jalousie, soit au contraire prendre mère et enfant sous sa protection, en devenant leur père à tous deux, et en oubliant son rôle d’amant.
En se tournant vers le père, la maman doit aussi peu à peu se tourner vers son homme et se frayer un chemin pour retrouver des relations sexuelles. Mais pour retrouver son rôle d’amante, elle doit tout d’abord “endormir” son bébé. C’est à dire qu’elle exerce inconsciemment sa censure d’amante envers son enfant, afin de lui permettre de s’endormir sans se sentir abandonné pour autant, de rester seul sans penser qu’il n’est plus aimé. Le nourrisson amorce alors son tout début de vie psychique autonome, avec ses premières rêveries et ses premières activités auto-érotiques (sucer son pouce…).
Mais pour cela, il ne faut pas que sa maman soit là. Et à partir du moment où son enfant peut rester seul, elle pourra, tranquillisée, rejoindre son homme. Cela prend du temps, parfois plusieurs mois, mais se donner du temps est primordial.
Au père donc d’être patient ?
Son rôle est très important dans cette mutation conjugale et familiale. Il doit en effet se montrer très patient, afin de laisser sa compagne, son enfant et lui-même s’adapter à cette nouvelle situation.
Beaucoup d’hommes sont mal à l’aise devant le corps de la future maman en pleine transformation pendant la grossesse. Et devant la mère qu’elle est ensuite devenue. D’autant que chaque membre du couple n’est plus unique pour l’autre. Il y a désormais un petit garçon ou une petite fille qui va les accaparer à 100 % !
Mais le rôle que peut jouer l’homme est essentiel car c’est lui qui va petit à petit ramener son amante dans le chemin du désir, à force de patience, de tendresse et surtout sans la culpabiliser. C’est lui aussi qui va permettre que la coupure du corps à corps entre le bébé et la mère puisse se faire progressivement, et qui va accompagner l’enfant dans la conquête du monde social.
A moins de failles qui existaient avant la naissance, ce nouveau chemin parcouru ensemble peut se révéler plein de richesses et de nouvelles découvertes l’un de l’autre.
Article de Jacqueline Schaeffer
Psychanalyste, elle est l’auteur de “Le refus du féminin”, P.U.F. (2000).
La libido est une énergie sexuelle vitale propre à la vie.
Ne la gaspillons pas, utilisons la !