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Aristote ou le vampire du théâtre occidental

Publié le 05 février 2010 par Belette

Paru chez Flammarion en 2007, le livre de l’universitaire Florence Dupont (elle enseigne le latin et l’ethnopoétique à Paris 7) frappe un grand coup dans les habitudes théoriques et pratiques du théâtre occidental contemporain. Contre un « théâtre de lecteurs », elle prône le retour du « théâtre des bouffons », c’est-à-dire l’évacuation à coups de pied d’Aristote et de sa Poétique, qui a totalement vampirisé la conception du théâtre en Occident.

Aristote ou le vampire du théâtre occidental « Le texte, tout le texte, rien que le texte. » Voilà le credo du théâtre occidental. De Stanislavski à Antoine Vitez en passant par Brecht, c’est le « drame », le « poème » ou la « Fable » qui est au centre. Et pourquoi ?

À cause de l’allégeance à un gugus qui a voulu uniformiser la culture grecque pour des raisons politiques et qui a lancé une machine de guerre contre le théâtre traditionnel. La Poétique ne dit rien de la tragédie grecque, elle en conditionne pourtant la compréhension depuis deux millénaires.

À cause d’une fausse lecture du muthos, concept clef de voûte de la Poétique, qui l’assimile au texte alors qu’il est la « mise en intrigue » selon la traduction de Paul Ricoeur, et qui en fait le centre d’une conception largement christianisée du théâtre dans laquelle la narration historicisée du monde a pris la place de la performance au présent.

À cause d’un traité inachevé qui, en créant des catégories formelles qui ne correspondent à rien à l’époque, a élitisé le théâtre grec en en faisant un art détachable de son contexte socio-historique (les rituels en faveur des dieux) afin de pouvoir l’exporter dans les territoires conquis par Alexandre et ainsi d’asservir Athènes en lui ôtant son identité culturelle.

À cause d’un Macédonien qui s’est toujours senti un étranger à Athènes et qui a voulu ranger son art dans des inventions abstraites, inventions qui ont eu un succès inattendu et prolongé, allant jusqu’à gangréner le théâtre du XXIème siècle : les spectateurs sont des lecteurs, la fête est finie. On s’ennuie au théâtre.

Pourquoi va-t-on toujours au théâtre en couple ou entre intellectuels ? On devrait aller au théâtre entre amis, en bande ; le théâtre devrait être un « before » !

Pour un excellent résumé analytique du livre de Florence Dupont : La Revue Nouvelle, Sophie Klimis.


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