Remplir le vide, noyer les angoisses, manger et puis rejeter. Se cacher des autres, même et surtout de ses enfants, pour ne pas
qu'ils voient, qu'ils sachent, ne pas les contaminer. Etre heureuse, malheureuse, se retenir ou se laisser vivre, jamais les pulsions ne laissent de répit. Elles s'estompent quand la vie est
linéaire, coupée du monde, enfermée dans une tour d'ivoire que rien ne vient bouleverser.
Manger, rejeter comme une automate, traquer frigos et placards à la quête de ce qui va soulager, rien ne satisfait si ce n'est d'avaler sans réfléchir, sans savoir pourquoi.
Manger, acheter de façon hypnotique ce que l'instinct ordonne, les sens faussés et la raison démissionnaire.
Manger, vomir comme un être lobotomisé, morne et un peu mort que la volonté a abandonné.
Se regarder, se traquer chaque jours persuadée que le nourriture effacée dans une cuvette s'est installée de façon vicieuse dans les chairs, le regard et le visage, promenant une odeur putride qui
ne quitte pas.
Savoir qu'on est malade, qu'on ne veut plus vivre avec ça, espérer, parfois oublier, se résigner, vouloir vivre pour y échapper, se cacher pour ne plus le provoquer.
Vivre comme une droguée en sursis qui fait du plaisir de vivre un poison qui consume à petit feu.