Fuite en avant

Je me suis levé couvert de sueur. Il n'y avait pas un nuage. Le ciel était d'un bleu si clair que je me serais cru sur la Côte-Nord en février, quand tout le pays devient un océan de blancheur polie et que de fines lames de glace s'envolent du haut des corniches en tourbillons poudreux.
J'ai fait mes bagages en vitesse. J'avais prévu rester au moins une semaine à La Rochelle. Je m'y plais bien, j'y ai mes habitudes, quelques visages familiers et souriants… En plus, je devais y faire un peu de recherche pour mon bouquin.
Je mâchonne tout ça en fonçant tête baissée vers Rochefort. Sais pas ce qui m'a pris. J'ai eu peur de m'enfoncer. Puis j'ai fait le plus con des cauchemars prétentieux et démoralisant. En fait, depuis quelques jours, mon propre roman me mord la queue. Mon ancêtre, c'est-à-dire, la personnalité très forte et la vie aventureuse de mon célèbre aïeul menace de me subjuger. Je regrette presque de l'avoir choisi comme sujet, ce vieux fou ! Enfin.
Rosie a l'air d'accord avec moi, elle a hâte de découdre des kilomètres. Et puis, depuis le temps que je la prépare aux terribles collines de la Charente, elle a hâte de s'y mesurer. Elle prend les commandes, aujourd'hui. Elle tire et pousse et vire-volte sous moi, elle piaffe littéralement ! Elle s'était fait un petit amant de passage, Rosie, à La Rochelle. Mais je crois pas que ça avait de l'avenir. Ils étaient trop différents !