(dépêche)
Vous avez le droit de filmer une séance de conseil municipal
http://mobile.agoravox.fr/actualites/medias/article/blogs-et-politique-peut-on-filmer-69355
jeudi 4 février - par JENB PRODUCTIONS
Blogs et Politique : Peut-on filmer un Conseil Municipal ?
La problématique des blogueurs au Conseil Municipal
Voilà un problème que notre association JENB Productions avait rencontré lors du dernier Conseil Municipal présidé par Nicole Rivoire, alors Maire (MoDem) de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), en
février 2008. Après quelques instants de flottement dans l’entourage du Maire (il semblerait que c’était la première fois qu’elle était confrontée à cette situation), l’incident s’était terminé
favorablement pour nous.
Dans un récent article, notre collègue posteur François Duarté, du blog 93sang30, évoque les conditions, semble-t-il drastiques, qui lui ont été imposées lors de la dernière séance. Ainsi,
d’après l’auteur « (...) il vient aussi, tout juste, d’être décidé d’un tout petit périmètre, lors des séances du conseil municipal, pour les caméras : un petit espace en triangle au fond de la
salle, dans lequel je devais me placer ! (...) »
Il convient donc peut-être de rappeler quelques règles de droit applicables lors d’une séance du Conseil Municipal.
Image d’illustration. Conseil Municipal à Noisy-le-Sec Octobre 2009
© Archives JENB Productions
Dispositions générales
Hormis les cas aussi rares que particuliers des séances tenues à huit-clos [1] auxquelles le public n’est pas autorisé à assister, le cadre législatif général d’une séance du Conseil Municipal
est la publicité des débats [2].
Ainsi, la convocation et l’ordre du jour doivent être affichés en Mairie (voire sur des panneaux annexes d’affichages municipaux dans les quartiers) pour inviter le public à assister aux
débats.
D’usage, la séance se déroule en mairie. Elle peut être délocalisée en un autre lieu de la commune, comme ce fût le cas à Noisy-le-Sec le 14 janvier dernier, mais le lieu de la séance ne doit pas
contrevenir « au principe de neutralité, qu’il offre les conditions d’accessibilité et de sécurité nécessaires et qu’il permet d’assurer la publicité des séances » [3]. Il doit répondre aux
critères habituels de sécurité appliqués aux lieux recevant du public, critères variables selon la capacité de la salle.
En conséquence, toute personne peut assister à une séance du Conseil Municipal.
Police de l’Assemblée
C’est sans doute cette notion qui pose le plus de problème dans son interprétation. En effet, C’est le Maire, et lui seul, qui détient les pouvoirs de Police de l’Assemblée : « Le maire a seul la
police de l’assemblée. Il peut faire expulser de l’auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l’ordre. En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la
République en est immédiatement saisi. » [4] .
Mais où se situe la notion de "trouble" pour une bonne sérénité des débats ?
D’une façon générale, le public n’est pas autorisé à s’exprimer. Il n’est pas autorisé non plus à manifester son approbation ou sa désapprobation lors des débats. Le public doit donc respecter
cette règle de base, applicable à tous, dès lors que la séance est déclarée ouverte.
Cas particuliers des blogueurs
Les blogueurs citoyens qui assistent à une séance du Conseil municipal le font généralement dans le but de diffuser ensuite sur leur blog tout ou partie des débats. Progrès technologiques
obligent, de plus en plus d’entre eux procèdent à un enregistrement de la séance, audio ou vidéo, ainsi que des photographies.
En l’espèce, l’affaire Ferdinand Bernhard, est assez éloquente [5]. Cet élu UDF en 2005 avait vu l’une de ses décisions (faire une demande écrite 72h à l’avance pour filmer un conseil municipal)
annulée par le Tribunal administratif. malgré tout, au début de la séance suivante, l’édile avait déclaré : « (...) Je précise donc que je considère que le fait de filmer est de nature à troubler
les débats, je demande donc aux personnes qui sont en train de filmer d’arrêter de filmer. Premier avertissement. Les personnes continuant de filmer, je fais donc réquisition à monsieur le
commissaire de police pour faire arrêter les films, (...) » Il y a là un abus de pouvoir caractérisé parfaitement attaquable en justice.
D’ailleurs, un jugement du tribunal administratif de Nice en date du 5 mai 2008 est précis : « l’enregistrement audiovisuel ne peut pas être soumis à un régime d’autorisation préalable. »
Mais c’est sans doute l’intervention d’une Députée qui expose clairement la problématique.
Suite à une question posée en mai 2005 par la députée UMP Mme Zimmermann [6], le Ministre de l’Intérieur est catégorique : « En vertu des pouvoirs de police de l’assemblée qu’il tient des
dispositions de l’article L. 2121-16 du code général des collectivités territoriales, il appartient au maire de prendre les mesures propres à assurer le déroulement normal des séances du conseil
municipal. Le principe de publicité des séances posé par l’article L. 2121-18 du même code, qui a conduit le législateur à prévoir la retransmission des séances par les moyens de communication
audiovisuelle, fonde le droit des conseillers municipaux comme des membres de l’assistance à enregistrer les débats. Ce droit reconnu par la jurisprudence administrative a conduit les juges à
considérer comme illégale l’interdiction par le maire de procéder à un tel enregistrement dès lors que les modalités de l’enregistrement ne sont pas de nature à troubler le bon ordre des travaux
de l’assemblée communale (CAA de Bordeaux, 24 juin 2003 n° 99BX01857 ; CE, 2 octobre 1992, commune de Donneville ; CE, 25 juillet 1980, M. Sandre). »
Une position ministérielle confirmée au Sénat en décembre 2008 lors d’une réponse à une question du Sénateur Jean-Louis Masson (NI) [7] .
En l’espèce, la position ministérielle, confortée par la jurisprudence, autorise tout citoyen à filmer une séance du Conseil Municipal.
Dans quelles conditions filmer
Sauf si le Maire l’autorise à se placer en un endroit plus propice à une captation de qualité, ce qui est généralement accordé si la demande est formulée poliment, le blogueur devra donc se
positionner dans l’espace réservé au public, sans gêner ce dernier. Le fond de salle semble le plus adapté. Les zooms actuels permettant malgré tout des plans rapprochés. Autre avantage, le
public est ainsi filmé de dos, ce qui évite tout problème de droit à l’image. La torche (ou minette) est à bannir, d’autant que l’éloignement la rendra inefficace.
Pour les photographies, le flash est fortement déconseillé.
Image d’illustration. Conseil Municipal à Noisy-le-Sec Octobre 2009
© Archives JENB Productions
Droit à l’image
La législation est très claire en ce domaine : « Toute personne, quelle que soit sa notoriété, dispose d’un droit exclusif sur son image (brute ou faisant partie d’un montage photographique) et
l’utilisation de celle-ci. Elle peut s’opposer à une diffusion sans son autorisation et éventuellement aller en justice » [8]. Concrètement, lors d’un Conseil municipal, on ne peut filmer ou
photographier sans son autorisation, une personne isolée dans le public. En vidéo, vous pouvez enregistrer l’accord de la personne en début de captation. De même, le seul fait pour une personne
de répondre à une interview vidéo vaut accord tacite. En photographie, en revanche, vous n’avez d’autre choix que de faire signer une autorisation écrite pré-remplie.
Toutefois, un conseil municipal étant par définition une manifestation publique dans un lieu public, des plans larges (plans masse) du public sont autorisées.
Concernant les élus : « Les personnages publics ou célèbres peuvent ainsi voir leur image utilisée à des fins d’actualité ou de travail historique, dans l’exercice de leur activité
professionnelle et dans le respect de la dignité humaine » [8]
La loi autorise donc les élus à être filmés lors de manifestations publiques lorsqu’ils interviennent dans le cadre de leur fonction élective. Ce qui est le cas du Conseil Municipal, mais aussi
de toute autre manifestation : prise de parole lors d’un évènement sportif, culturel ou associatif, par exemples.
Retranscription des débats sur son blog
Tout citoyen peut demander copie du compte-rendu des séances [9] pour les publier sous sa responsabilité.
Il apparait donc très difficile de faire un résumé vidéo d’un Conseil municipal qui a duré plusieurs heures. Il faudra immanquablement faire des coupes dans les rushs au risque de dénaturer les
débats et d’apporter au lecteur une information tronquée involontairement ou manipulée volontairement. L’intérêt de la vidéo peut donc, à mon sens, se concevoir uniquement sur un sujet
particulier porté par le Conseil.
Pour retranscrire une séance complète, il y a plus intérêt à la traiter sous une forme analytique écrite en citant des passages des intervenants préalablement enregistrés sur un dictaphone
numérique.
Si vous avez des informations jurisprudencielles plus récentes ou un témoignage particulier sur cette thématique, n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires.
Pour conclure cet article et en revenir à notre collègue blogueur, il y a lieu de considérer en l’espèce que l’attitude des élus à son égard est totalement conforme à la loi.
Jean-Emmanuel Nicolau-Bergeret
© 03 février 2010 - JENB PRODUCTIONS
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Sources et références :
[1] CarrefourLocal.sénat.fr
[2] Article L2121-18 du Code des Ciollectivités territoriales
[3] Article L2121-7 du Code des Collectivités territoriales.
[4] Article L2121-16 du Code des Collectivités Territoriales
[5] Article de Olivier Vermert sur Cuverville.org
[6] Question N° 64615 - Députée Mme Zimmermann (UMP) au Ministre de l’Intérieur
[7] Question n° 05849 du Sénateur Masson du 16.10.2008
[8] Site du gouvernement
[9] Article L2121-26 du Code des Collectivités territorales
3 Messages de forum
4 février 16:33, par piercol
Bonjour,
Étonnante coïncidence : je sors à l’instant d’un réunion du conseil municipal, à Brie-sous-Matha, petite commune de Charente-Maritime, où j’ai été élu conseiller en 2008 (seul, contre la liste du
maire).
Dès le début de la réunion de ce jour (4 février), le Maire a essayé de m’expulser pour motif de "trouble à l’ordre public" parce que j’avais posé sur la table mon baladeur mp3 à 30€, avec lequel
j’enregistre habituellement les séances du conseil. Comme j’ai refusé de m’exécuter, il a fait appel aux gendarmes qui sont venus m’interpeller dans la salle du conseil. Après m’avoir posé deux
ou trois questions, comme ils n’avaient pas grand chose à se mettre sous la dent, ils m’ont laissé reprendre ma place en séance. Le Maire, faute d’obtenir satisfaction, a levé alors la séance. Je
suis tout de même convoqué à la gendarmerie pour rédaction d’un procès-verbal.
Ce n’est pas la première fois que le maire de ma commune essaye de jouer les "gros bras" à ce sujet, en invoquant la notion de trouble à l’ordre public. Habitué à produire des compte-rendus de
réunion que de nombreux conseillers considèrent comme des outrages à la vérité, le maire supporte de plus en plus mal de constater que les enregistrements des séances du conseil peuvent être
écoutés sur mon blog.
Cette opération anti-langue-de-bois a évidemment des conséquences catastrophiques sur son image. D’où son passage à la phase "gros bras".
Je sais que je ne suis pas le seul à mettre en ligne des enregistrements audio ou vidéo de conseil municipal. D’autres ont subi les mêmes pressions. Nous essayons de nous entr’aider grâce à des
réseaux sociaux. Je vais leur faire connaître votre article, qui apporte des exemples et des bases réglementaires et jurisprudentielles intéressantes.
L’accès au public de ce type d’enregistrement est un élément de la vie démocratique. Il permet l’expression d’un contre-pouvoir face à l’omnipotence que s’arrogent volontiers certains maire.
Probablement ceux qui redoutent que leurs administrés découvrent que leurs propos ou écrits ne sont pas parole d’évangile.
L’évocation du "trouble à l’ordre public" constitué par la présence d’un appareil enregistreur est manifestement d’un abus de pouvoir, mais résister à un maire qui en abuse n’est pas, je peux le
certifier, une partie de plaisir...