Les naufragés du Fol Espoir au Théâtre du Soleil
Lien vers l'article de l'entretien avec Ariane Mnouchkine, http://labreche.20minutes-blogs.fr/archive/2010/03/15/ari...
Un an et demi de préparation depuis la dernière des Éphémères, une première représentation plusieurs fois reportée, un projet dont on ne sait presque rien : les aléas auxquels sont soumises les « créations collectives » de la troupe du Théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine en signifient la valeur. Le public sait le reconnaître, qui se presse déjà nombreux à la Cartoucherie pour découvrir Les naufragés du Fol Espoir depuis le 3 février. Comme toujours, l'accueil est chaleureux, et l'on s'immerge le temps d'une soirée dans le décor du foyer transfiguré en cabaret Belle Époque, comme un prolongement de la scène.
Sur scène, depuis quarante ans, les choix de Mnouchkine et des siens n'ont guère changé. Une foi inébranlable dans le théâtre comme mode d'expression fondamentalement politique et pourtant distrayant, comme art populaire sans être ni simpliste, ni vulgaire. Des choix esthétiques radicaux, déroutants, pour mieux emporter le spectateur, l'exiler. Les compagnons de route du Théâtre du Soleil sont toujours là. Hélène Cixous, plus impliquée qu'elle ne l'a été depuis Tambours sur la digue en 1999, dans ce récit. Une adaptation, une inspiration plutôt, d'un roman posthume de Jules Verne, Les naufragés du Jonathan, contant l'échec d'une colonie guidée par les utopies socialistes du début du XXe siècle. Jean-Jacques Lemêtre est aussi là, auteur d'une sélection musicale essentiellement orchestrale et post-romantique — Bruckner, Wagner, Chostakovitch entre autres. Et la troupe, au fil des voyages et des projets, s'est enrichie de visages, pour regrouper trente-cinq acteurs sur scène, présents et impliqués sans qu'aucun nom ne s'avance, sans qu'aucune vedette ne se distingue.
Si le Fol Espoir s'inspire de Jules Verne, il ne lui doit pas tout, et ne doit pas tout non plus à Cixous. « Mi-écrite » comme le proclame l'affiche, cette nouvelle création doit aussi à l'improvisation des acteurs et, en quatre heures, parle d'aventures, de nouveaux mondes, d'anarchisme, de socialisme, de féminisme, de trahison, d'impérialisme, de guerre, de cinéma, de Jaurès, de Darwin, de Rousseau, et de bien d'autres choses encore. Le Fol Espoir dresse le tableau d'une époque d'espoir et de progrès, sur le point pourtant d'être ravagée avec fracas, l'aurore révolutionnaire d'une époque terrible — la nôtre.
Les naufragés du Fol Espoir, au théâtre du Soleil, les mercredi, jeudi, vendredi à 19h30, les samedi à 14h et à 20h et les dimanche à 13h. Réservations au 01 43 74 24 08.
Le couronnement de Poppée des Paladins et de Christophe Rauck
Que Christophe Rauck soit un ancien comédien du Théâtre du Soleil ne surprend pas. Car après avoir créé la compagnie Terrain vague (titre provisoire), lui dont les mises en scène avaient séduit le Théâtre de la Ville ou la Comédie-Française depuis quelques années a pris en main depuis 2008 les destinées du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis. Là aussi, l'art se veut populaire — prix très accessibles, placement libre — et pourtant sans concession : on y voit cette saison Schiller, Marivaux ou, en ce moment, Reset, une création du collectif MxM, qui travaille sur le lien entre écriture et vidéo.Christophe Rauck étant metteur en scène, est parvenu à monter au TGP Le couronnement de Poppée de Monteverdi, et à convaincre le baroqueux Jérôme Correas et son ensemble Les Paladins, une référence dans le répertoire lyrique baroque, de l'accompagner dans cette production séduisante. Une production qui met en valeur comme rarement cette satire féroce, conte cruel sur le pouvoir et ceux qui l'exercent, qui partage avec certaines pièces de Shakespeare une actualité permanente et étonnante. Les jeunes voix de l'Arcal que l'on y entend se sont rarement illustrées dans des productions aussi ambitieuses, et le font avec réussite, en particulier grâce au travail dramatique effectué avec Rauck. Après avoir occupé pendant deux semaines la scène du TGP devant un public populaire et remarquablement jeune, la production est désormais en tournée.
Le couronnement de Poppée, Arcal, ensemble Les Paladins, direction musicale Jérôme Correas, mise en scène Christophe Rauck, coproduction TGP-CDN de Saint-Denis - Les Paladins - Arcadi - Opéra de Rennes - Grand Théâtre de Reims.
Dates de la tournée : Nanterre (maison de la musique) les 5 et 6 février ; Beynes (Le Barbacane) le 12 février ; Clamart (théâtre Jean Arp) le 14 février ; Le Vésinet (théâtre) le 18 février ; Angoulême (théâtre) le 27 février ; Martigues (théâtre des Salins) le 9 mars ; Guyancourt (ferme de Bel Ebat) le 13 mars ; Villejuif (théâtre Romain Rolland) le 9 avril.
Crédits iconographiques : 1. © 2009 Théâtre du Soleil ; 2. et 3. © 2010 La Brèche ; 4. Caravage, Amor vincit omnia ; 5. et 6. © 2010 Anne Nordmann