Délaissons pour un moment les cantatrices du 19ème siècle et du début du 20ème pour nous intéresser à un véritable monstre sacré, une des plus belles voix du siècle précédent, d'une longévité absolument extraordinaire (à 66 ans, elle interprétait encore sur scène le rôle de Marguerite dans Mefistofele, et avec quel art, quelle maestria, comme vous pourrez le constater dans les extraits proposés en fin d'article) : Magda Olivero, considérée comme une des plus grandes sopranos du chant vériste.
Née en 1910 à Saluzzo (province italienne du Piémont), étudie le piano et le chant à Turin. Ses premiers professeurs trouvent sa voix « insuffisante ». Pourtant, malgré ces avis peu positifs, elle persévère et finit par étudier avec Luigi Gerussi. Ses tous premiers débuts ont lieu en 1932, à la radio de Turin : elle interprète l'oratorio de Cazotto I misteri dolorosi. Un an plus tard, en 1933, l'opéra de Turin lui offre son premier rôle : Lauretta dans Gianni Schicchi. La même année, la Scala de Milan, ne jugeant pas sa voix « insuffisante », l'invite pour chanter Gilda (Rigoletto) : c'est le début d'une grande carrière. Elle chantera par la suite Nanetta (Falstaff), Mimi (La Bohème) et Butterfly. 1937 la voit débuter à l'opéra de Rome dans le rôle d'Elsa (Lohengrin) ; à ce répertoire, elle ajoutera par la suite Manon, Violetta (La Traviata) et Liu (Turandot). C'est en 1940 qu'elle abordera celui qui deviendra son plus grand rôle, dans lequel on la dira « insurpassable », à tel point que, raconte la légende, Callas herself se gardera bien de le chanter sur scène, par crainte d'une comparaison qui a toutes les chances de ne pas tourner à son avantage : celui d'Adriana Lecouvreur dans l'opéra du même nom de Ciléa.
Si 1940 est l'année de la consécration absolue, 1941 est celle où Magda Olivero se marie et décide de renoncer à la scène pour se consacrer à sa vie de famille. Pendant dix ans, elle sera absente de l'univers de l'art lyrique, même si, pendant la guerre, elle donne quelques concerts. La scène ne la verra revenir qu'en 1951, et encore faudra-t-il pour cela la demande pressante de Cilea lui-même, pour une reprise d'Adriana Lecouvreur. Le compositeur la jugeait irremplaçable dans ce rôle.
Dès lors, Magda Olivera commence une seconde carrière, aussi triomphale que la première ; sa voix a des accents encore plus passionnés qu'auparavant, elle est plus nuancée et elle a gardé tout son pouvoir de fascination. Jusqu'en 1981, date de ses adieux à la scène, elle ne cessera d'être invitée sur les plus grandes scènes lyriques du monde. Grâce à un choix judicieux et rigoureux de ses rôles, principalement ceux des opéras de Puccini, quelques rôles verdiens et du répertoire français, elle sut garder l'intégrité de sa voix jusqu'à la fin de sa carrière.
Curieusement, elle ne fera ses débuts qu'en 1975 au Met de New York dans Tosca. Elle a 65 ans et c'est un triomphe ! Avec Callas et Gencer, elle est considérée comme une des plus grandes interprètes du répertoire italien. Mais à l'opposé de Callas, qui se verra façonner par les médias une image de Diva « scandaleuse » dont on guettera les moindres faux-pas, Magda Olivero se montrera d'une discrétion absolue dans sa vie de femme, tout en gardant intact l'extraordinaire rayonnement de l'artiste.
Les interprétations de « La Olivero » se caractérisent davantage par leur engagement passionné, l'expressivité de sa voix que par une beauté du son conventionnelle. Elle pouvait reproduire chaque émotion avec une stupéfiante intensité, accorder, plus que n'importe quelle autre cantatrice, la couleur de sa voix à chaque mot prononcé. Quant à son jeu de scène, il était tout aussi intense.
Si je ne me trompe point, on fêtera ses cent ans le 25 mars 2010... Bon anniversaire, Madame...
VIDEO 1 : Adriana Lecouvreur, Live 1959 avec Franco Corelli.
VIDEO 2 : Mefistofele, air de Marguerite, live 1976, Acte III. Pour voir la fin de l'acte, cliquez ici.
Si vous voulez entendre l'air de Violetta de l'acte I de Traviata, cliquez ici.
Photo ci-contre : Magda Olivero dans Adriana Lecouvreur.