On a tendance à l’oublier mais cela fait un siècle que l’équipe de France a intégré le tournoi annuel du rugby européen. La cinquième roue du carrosse britannique s’est flanquée depuis 10 ans d’une sixième, également latine. L’édition 2010 du Tournoi des Six Nations propose une certitude : au vu des forces respectives, des prestations diverses et du calendrier, les certitudes ne sont pas nombreuses.
Voici une présentation très subjective du Tournoi.
Le favori en vert.
Auteur de son deuxième grand chelem dans son histoire (après 1948), l’équipe d’Irlande part clairement favorite de la compétition. En 2009, les Verts n’ont concédé qu’un seul match nul à l’Australie et ont battu l’Afrique du Sud. Le bilan est à modérer en l’absence d’une tournée estivale (pour cause de tournée des Lions) mais la performance demeure.
L’Irlande est en train de réaliser une transition douce entre les générations. Cela s’illustre à l’ouverture où Ronan O’Gara n’est plus unique et indispensable. Le jeune joueur du Leinster, Johnathan Sexton, s’avère un successeur tout à fait fiable, même s’il manquera le premier match.
Les Irlandais ont l’équipe la plus complète et la plus stable du plateau mais leur calendrier n’est pas favorable, ce qui risque de les empêcher de gagner un nouveau grand chelem. Le déplacement à Saint-Denis le 13 février prochain risque bien de constituer un écueil contre une équipe de France imprévisible. Les Irlandais joueront aussi en Angleterre où ils ont l’habitude de gagner.
Ce sera quand même difficile de leur contester la victoire dans la compétition.
Les imprévisibles diables rouges.
Brillants vainqueurs du grand chelem en 2008, les Gallois ont déçu en 2009. Ils ont été confrontés à plusieurs difficultés même s’ils ont terminé deuxièmes de la compétition. Leur jeu tout en mouvement reste un régal mais la perspective d’un double déplacement en Angleterre et surtout en Irlande n’est pas un facteur favorable.
Mais avec les joueurs de talent qui la composent, la formation galloise est capable de rafler quatre victoires.
L’inconnue rose
L’Angleterre est l’une des grandes inconnues de ce tournoi. Après un automne décevant, le XV de la Rose voudra se racheter. Avec Wilkinson de retour dans le Tournoi, c’est une assurance pour marquer des points et pratiquer un jeu proche de l’insipidité par excès de jeu au pied.
Martin Johnson n’a pas encore trouvé la bonne formule et si l’équipe a du talent, elle ne développe pas un jeu très léché. On risque bien de retrouver dans un style proche de 2003. Sur le papier, le calendrier des Anglais n’est pas mauvais : réception des Gallois, des Irlandais, déplacement en France où Jhonny va faire mal pour le match de clôture du Tournoi.
Pas de gros jeu mais une équipe en pleine restructuration et qui est capable du meilleur comme du pire.
Le chardon insipide ou piquant ?
On a souvent l’image d’une équipe d’Ecosse joueuse mais pas adroite et encore moins efficace. La tournée d’automne n’a pas montré la formation sous un autre jour. Pour son premier Tournoi comme le chef des Highlanders, Andy Robinson va surtout s’atteler à gagner, quelle que soit la manière. Les Ecossais ont de bons demis de mêlée mais l’ouverture reste quand même chancelante. L’équipe manque de puissance mais son jeu en touche est redoutable. Il faudra un bon buteur à l’Écosse pour espérer gagner plus d’un match et un peu plus de réalisme. Mais à domicile, les Ecossais sont toujours dangereux.
L’Ecosse est un adversaire piégeur et les Français doivent s’en méfier pour leur entrée dans le Tournoi. Ils le savent déjà surtout si la neige est au rendez-vous.
La Squadra pleine d’Azzuri ?
Cendrillon de la compétition, l’équipe d’Italie ne vise qu’une chose : gagner un match. Le 27 février, l’Ecosse se présentera et constitue la meilleure chance de victoire.
Mais l’Italie avec des lacunes énormes : Sergio Parisse est blessé, la paire de demis reste toujours totalement incertaine, l’équipe reste incapable d’attaquer et de garder le ballon. Quelques progrès globaux ont été relevés en automne mais Nick Mallett doit bien se demander comment faire gagner une formation techniquement faible dans le jeu de passes.
Un vrai casse-tête et je ne vois pas l’Italie terminer autrement qu’avec une nouvelle cuillère de bois.
Et nos Bleus ?
A l’instar des Anglais, l’équipe de France s’amène sans beaucoup de certitudes. Beaucoup de blessures (la dernière en date oblige le départ d’Elissalde pour Michalak tout à côté) qui déstabilisent une formation où déjà une équipe-type a du mal à se mettre en place.
Une équipe inconstante : capable de livrer un gros match mais de se faire pulvériser naïvement au suivant. Un manque d’intelligence collective, de vitesse globale dans le jeu, un buteur plus ou moins fiable (Parra progresse quand même). Un ouvreur contesté et contestable mais faute de mieux. Des difficultés dans la ligne de trois-quart mais une mêlée plus solide, une troisième ligne dense (Renvoyer Picamoles à Toulouse c’est un signe).
Le staff technique n’est pas arrivé à construire un quelconque projet de jeu offensif en deux ans. Tout se résume en l’exploitation de contres. C’est peut-être le rugby moderne qui veut ça. Mais quand on annonce « french flair » sur la table, on prend le risque du retour de bâton (un peu comme annoncé une garde contre avec Grand Chelem au tarot). Lièvremont, N’Tamack et Rétière n’ont pas les conditions idéales certes mais leur préparation n’est pas à la hauteur. Les déficiences tactiques risquent bien de payer contre les Anglais et également les sempiternels changement de stratégie de jeu.
Les faiblesses à certains postes (franchement un Trinh Duc à l’ouverture, ce n’est pas le meilleur choix mais les autres sont blessés ou étrangers, les piliers) pénalisent l’équipe de France mais il faut faire avec. Pourquoi ne pas sélectionner des étrangers sélectionnables (Brock James pourrait-il l’être par exemple ?) ?
Sincèrement, on ne sait pas comment cette équipe va jouer, sans doute au coup par coup sans avoir de projet réel. Lièvremont dispose encore d’un état de grâce mais s’il veut vraiment faire quelque chose avec l’équipe de France, il faudra éviter de s’obséder sur un adversaire.
En tout cas pour l’Ecosse, l’accent a été mis sur le lourd derrière. De l’hecto-kilogrammes avec Rougerie, Jauzion, Bastareaud (pourvu que les Ecossais n’alignent pas Table) et Benjamin Fall (très bon contre les Samoa). Quant à devant, on fera avec et ça a l’air suffisamment correct pour déjouer de l’Ecossais. L’Irlande sera une autre paire de manches.
Mon pronostic.
1-2. Irlande, Galles 4 victoires
3-4. France, Angleterre3 victoires
5.Écosse 1 victoire
6. Italie 0 victoire
Première journée :