The Fall. Oui. The Fall. Tu sais, le groupe avec Mark E. Smith. Le groupe DE Mark E. Smith. Line-up instable, musique constante, c’est bien le regretté John Peel qui avait prononcé cette phrase ultime: « la musique de The Fall, toujours la même, toujours différente ». Effectivement, cet espèce de vieux pochtron bien croulant, au micro depuis plus de 30 ans, se fout de notre gueule à un point tellement terminal qu’il peut se permettre de nous ressortir le même album tout les ans, et ce avec une cadence vigilante et rudement millimétré. Et ça, je vais pas m’en plaindre tellement la formule The Fall est absolument inarrêtable: riffs d’une vigueur toute mécanique, tournés en boucle, garage motorik profond, crasseux à souhait mais pourtant d’une classe scandaleuse, accompagné de cette base rythmique toujours aussi rigoureuse et surplombée par ce chant canardeux infâme, gouailleur, hautement alcoolisé et d’une arrogance je-m’en-foutiste absolument grandiose. C’est lui qui donne cet âme aussi flamboyante que pitoyable à The Fall. Mark E. Smith est The Fall. « If it’s me and your granny on bongos, then it’s a Fall gig ». C’est lui qui le dit et on ne peut pas lui donner tort. Hargneux, ronchon, toujours prêt à faire chier son monde, proche de la cinquantaine, toujours aussi alcoolique. Minable, misérable, mais tellement légendaire et au-delà de toute critique qu’on ne peut qu’adhérer. Il y a Mark, mais il y a aussi son backing band. Ses backing bands plutôt, un par album, Smith virant à chaque fournée ses membres pour les remplacer par d’autres avec une sévèrité toute stalinenne. Tout ça, c’est The Fall, et je t’inviterais même, si tu désirerais en savoir plus après ce paragraphe assomant, à te diriger vers l’excellente BD du sieur Luz sur le personnage de Smith, absolument géniale.
Pardonne-moi d’enchaîner aussi directement, mais, comme je l’ai déja sous-entendu, ce bon vieux Mark te pisse à la raie. Sévèrement. Quand Mark décide de faire de la merde, Mark le fait avec application, mettant toute son énergie afin que le titre en question ne ressemble à rien (« Devolute »). Quand Mark daigne être de bon poil, et décide de balancer un titre à peu près audible, Mark ne se gène pas et te lacère les oreilles (« Sons of Temperance »). J’oubliais, on cause bien ici de « The Unutterable », sorti en 2001, perdu au milieu de la gargantuesque discographie mancunienne. Pourquoi cet album plutôt qu’un autre? Parcque. Parcque celui-ci se révèle être une petit bombe, allant aisément chatouiller, si ce n’est carrément occuper, le top 10 de The Fall. Peut-être aussi parcque celui-si s’écarte légèrement de la bonne vieille formule habituelle, Mark et ses copains ayant découvert la technologie, les ordinateurs, tout ça, ce qui permet au combo d’alors de nous délivrer plusieurs missiles à haute teneur électronique (« Two Librans », « Serum »). Album appréciable également pous son lot de déchets inutiles réduits au minimum (2 ou 3, tout au plus), et ses petites incartades sympathiques, tel le chaloupé « Pumpkin Soup & Mashed Potatoes » ou l’étrange mais saisissant »Midwatch ». Puissant et envoûtant, « The Unutterable » reste un putain d’album. Mais ne surtout pas oublier que The Fall est toujours actif, les albums récemments sortis sont tous supérieurement qualitatif, et un nouveau LP est déja prévu pour 2010.
The Fall – The Unutterable (2001, Eagle)
- Cyber Insekt
- Two Librans
- W. B.
- Sons Of Temperance
- Dr Bucks’ Letter
- Hot Runes
- Way Round
- Octo Realm/Ketamine Sun
- Serum
- Unutterable
- Pumpkin Soup & Mashed Potatoes
- Hands Up Billy
- Midwatch
- Devolute
- Das Katerer