Editions du Rouergue, 2005
Collection "La Brune"
Il y a quelques semaines, je découvrais Claudie Gallay avec L'or du temps. Peu convaincue...
Je viens de changer d'avis avec Seule Venise.
Toujours ces êtres solitaires, esseulés qui souhaitent changer de vie ; un jour, grâce à une rencontre, leur destin bascule.
On retrouve cette écriture très elliptique, par petites touches impressionnistes, qui va si bien à la description de Venise. Les rencontres romanesques dans la Normandie de L'or du temps
paraissaient factices, irréelles. Ici, l'on est à Venise, tout est possible !
D'autant plus que l'auteur évite les poncifs : le carnaval, les touristes...On contraire, elle choisit l'hiver, la neige, une Venise embrumée et glauque. Ce sont les lumières des fenêtres, des
auberges qui donnent de l'éclat aux rues.
Une ville, une femme, trois rencontres. Elle vient d'être quittée par son amant ; elle largue les amarres et se réfugie dans une Venise
hivernale.
Elle parle, elle vouvoie, elle s'adresse à un homme qu'elle vient de rencontrer à Venise. On apprend petit à petit que c'est un libraire solitaire, qui voue une passion pour un peintre juif ayant
peint l'holocauste.
Ils se rencontrent au hasard des ruelles et des ponts, il lui prête des livres, le sentiment amoureux naît...Et puis il y a ces autres rencontres, ses voisins de chambre de la pension où
elle a élu domicile : ce vieux prince russe paralytique qui est obsédé par la ponctualité et qui recherche désespérément son amour de jeunesse. Cette danseuse obsédée par son art qui croit avoir
trouvé l'amour. Et puis, Luigi, le propriétaire discret de la pension, fantomatique,qui attend désespérément sa fille et décore le sapin de Noël.
Tous ont vécu le manque, désirent une nouvelle fois. Chassé-croisé amoureux, amours en fuite, amours naissants ou retrouvés...Le bal est ouvert.
Sur les ponts, dans les ruelles, dans les pensions, l'Autre est là pour guérir, pour faire comprendre. Comme dans L'or du temps, Claudie Gallay évoque un artiste réel, Zoran Music et ses
peintures des cadavres de Dachau.
Claudie Gallay livre une écriture certes très dépouillée mais laissant la place à une sensualité certaine : la description du chocolat chaud du Café Florian, les pas dans la neige, l'éclat d'une
lumière, l'odeur du vieux cuir des livres. La Venise enneigée devient un théâtre d'ombres et de lumières, un mystérieux clair obscur.
Ce roman est placé sous le signe de la rencontre mais aussi de l'art. La narratrice, perdue dans son deuil d'amour, reprend peu à peu goût à la vie en découvrant la guérison par les poèmes et la
peinture (le cas de Zoran Music) et par la littérature et la musique.
Une très belle promenade sensuelle et poétique, tout en retenue.