Huit ressortissants turcs d’origine kurde ont demandés aux services de l’état civil le changement de leur prénom afin d’adopter celui qu’ils utilisent au quotidien. Cependant, les lettres q, w et x, nécessaire à une transcription littérale de ces prénoms kurdes, « ne figuraient pas parmi les vingt-neuf lettres de l’alphabet officiel » (§ 8).
Saisie des requêtes alléguant d’une violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) du fait de ce refus de transcription littérale, la Cour européenne des droits de l’homme commence par rappeler que le nom d’une personne, « en tant que moyen d’identification personnelle et de rattachement à une famille, […] concerne […] la vie privée et familiale de celle-ci » (§ 45).
La question, déjà examinée à Strasbourg par le passé (§ 47), du refus de transcription exacte du nom est donc analysée comme une ingérence au sein du droit au respect de la vie privée (§ 51) même si la Cour montre déjà à ce stade quelques indices de prudence (§ 46 et 49). Dans le prolongement de l’idée selon laquelle « la liberté linguistique ne figure pas, en tant que telle, parmi les matières régies par la Convention » d’où une grande liberté des États s’agissant de leur(s) langue(s) officielle(s) (§ 56), la Cour reconnaît à ces derniers une large marge d’appréciation. En effet, dès lors que « les intéressés ont la possibilité de porter des prénoms ou noms kurdes » et que l’obligation de transposer les noms avec les seules lettres de l’alphabet officiel turc ne conduit pas notamment à « une signification grossière ou ridicule » de ceux-ci (§ 66), cette obligation de transposition ne viole pas l’article 8.
En ce sens, la Cour relève d’ailleurs « que tant le choix d’un alphabet national que les difficultés de la transcription des noms conformément à la phonétique souhaitée sont un domaine où les particularités nationales sont les plus fortes et où il n’y a pratiquement pas de points de convergence entre les systèmes internes des États contractants » (§ 70) et que la Convention n°14 de la Commission internationale de l’état civil (v. § 32) prévoit, parmi d’autres, le système pratiqué par l’État défendeur (§ 68 et 71).
En conséquence, la Turquie n’est pas ici condamnée pour violation du droit au respect de la vie privée.
Taşkin et autres c. Turquie (Cour EDH, 2e Sect. 2 février 2010, Req. nos 30206/04 et s.)
Actualités droits-libertés du 3 février 2010 par Nicolas HERVIEU
- voir sur un sujet proche la jurisprudence sur le “double tiret” que les lecteurs de CPDH ont découvert en premiers (S. Slama, “Double-tiret entre les noms doubles : Incompétence des ministres pour imposer par voie de circulaire (CE 4 déc. 2009, Lavergne)”, CPDH 19 décembre 2009), avant le désormais célèbre billet de Me Eolas :
- Me Eolas - - GAJA, “Circulaire du double nom de famille : le Conseil d’État a décidé de tirer tirer un trait” , Journal d’un avocat, 4 janvier 2010.
- Pascale Robert-Diard, “La courte vie du double tiret, signe distinctif des noms accolés”, LE MONDE | 06.01.10 | 13h29.