Ils sont nombreux les internautes qui jamais ne se seront posés la question : qu’adviendra t-il de leurs mails, blogs et autres pages de membre de réseaux sociaux une fois leur heure sonnée ? Que faire de ces traces qui subsistent sur la toile une fois l’internaute décédé ? Du vivant des personnes, les données personnelles de l’internaute sont protégées et il peut, au nom du droit de suppression, demander à ce qu’elles soient retirées des sites. Cependant, peu d’entre eux anticiperont les évènements et demanderont la suppression de leurs données, et pour cause. Alors que faire ? Les réseaux sociaux et messageries sont contraints de trouver des solutions ad-hoc : skyblog décide de l’avenir du blog avec les parents, Facebook propose d’ouvrir un «mémorial», auxquels seuls les «amis» de la personne décédée auront accès tandis que Yahoo ! Et Hotmail ne délivrent les messages que sur autorisation du juge assortie d’un certificat de décès.
La jurisprudence actuelle considère que la protection de la personnalité présente un caractère personnel qui s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire du droit. La protection de ces droits est donc intransmissible aux héritiers. Les héritiers ne peuvent donc pas en principe, exercer les droits de la personnalité dont le de cujus était titulaire de son vivant, pour protéger sa personnalité des atteintes qui pourraient lui être portées par delà son vivant. Cette jurisprudence avait fait l’objet d’une saga judiciaire à laquelle l’arrêt relatif à l’ouvrage «Le Grand Secret», rédigé par le médecin personnel de feu François Mitterrand, avait posé en principe que «Le droit d’agir pour le respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit».
Doit-on alors en conclure que tous ces profils viendront hanter le web à jamais, faute pour les héritiers d’avoir un droit à agir ? Peut-on à l’inverse laisser agir seuls les sites qui, face à l’absence de solution, peuvent être tentés d’effacer l’intégralité des traces laissées par la personne, sans aller à l’encontre d’une nouvelle facette de la notion de devoir de mémoire, qui serait un «devoir de mémoire numérique»? Une solution idéale n’est pas aisée à trouver. D’un côté cette jurisprudence peut sembler inadaptée à la problématique des données personnelles, problématique de plus en plus accrue puisque ce sont à présent 77% des internautes français qui sont membres d’un réseau social. Ce sont donc 77% des internautes qui laissent des traces, traces dont personne, si l’on suit cette jurisprudence, ne peut demander la suppression après la mort de l’individu. De l’autre côté de la balance, la sacro sainte vie privée, qui ne rend pas si facile le choix de la transmission aux héritiers. Internet multiplie en effet les possibilités de laisser des traces non désirées, voire indésirables. Doit-on accepter que soient transmis par exemple les échanges laissés sur un site de rencontre par un homme marié ?
Ces réflexions mènent à un constat inéluctable. Il est plus qu’urgent de faciliter l’exercice du droit de suppression du vivant des personnes, celui-ci pouvant ressembler pour toute personne lambda à un parcours du combattant. Et pour ce qui est des internautes qui quittent cette terre, les acteurs du web ont été dans l’obligation de devoir trouver des solutions mais il faudra bien, pour éviter une macabre cacophonie juridique, que le droit évolue et s’empare de la question. A suivre.
Références :
Cass. 1re civ., 14 déc. 1999 : Bull. civ. I, n° 345 ; JCP G 2000, II, 10241, concl. Petit ; D. 2000, jurispr. p. 362, note B. Beigner