Je ne vais pas vous laisser longtemps donner votre langue au chat. Peut-être d’ailleurs connaissez-vous la réponse si vous suivez l’actualité de près. C’est une des grandes “Zintelli-gences” de l’UMP qui d’ailleurs n’en manque pas du même tonneau… des Danaïdes ? Il s’agit de Dominique Bussereau, son adversaire pour l’élection régionale en Poitou-Charentes. Par ailleurs ministre des transports et grand ami de Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre de Jacques Chirac et connu à ce titre pour ses célèbres “raffarinades” qui nous firent bien rigoler.
Je fus passablement intriguée en lisant ce titre sur le Post Dominique Bussereau: “Ségolène Royal rassemble des harkis”, me demandant bien quelle guerre la prési-dente de Poitou-Charentes entendait mener avec pareille armée. Je recoupai l’info avec un article de 20 minutes Bussereau et les harkis de Royal..
Je rappelle que les harkis furent pendant la guerre d’Algérie les supplétifs autochtones de l’armée française qui les abandonna lâchement à un triste sort en quittant l’Algérie après les accords d’Evian de 1962 mettant fin à cette guerre aussi stupide qu’inutile mais atroce – aussi bien pour les Algériens que pour les Français. Ceux des Harkis qui restèrent furent très souvent massacrés et le sort de ceux qui parvinrent à gagner la France ne fut pas meilleur, parqués dans des camps quasi de fortune. Presque 48 ans après, les fils et filles de harkis attendent toujours qu’on améliorât leur sort. Les promesses n’ont pas manqué, jamais tenues. Dernières en date, celles de Nicolas Sarkozy qui n’a pas dérogé à la tradition.
Bien entendu, Dominique Bussereau interviewé sur Europe 1 par Claude Askolovitch et Patrick Cohen, n’entendait pas parler des vrais harkis Il répondait à une question d’Askolovitch sur sa rivale, le journaliste ayant d’ailleurs bien commencé les choses – n’oublions pas qu’Europe 1 appartient à Arnaud Lagardère, lequel est un bon passeur de plats pour Nicolas Sarkozy, entre le JDD, Europe 1 et autres médias – en demandant à Bussereau s’il pouvait jouer «sur le rejet de Ségolène Royal par une partie de l’opposition de gauche».
Ce à quoi Bussereau répondit avec l’extrême finesse d’esprit qui le caractérise : «Je n’aime pas le terme de rejet pour Mme Royal, dont j’apprécie peu la politique. Je pense qu’elle a un problème avec l’électorat de gauche»… Ne pense pas trop, coco ! Ça ne t’arrange pas les méninges… Askolovitch, ne voulant pas lâcher le morceau, insiste : «Elle a quand même récupéré des centristes. Ça prouve qu’elle rassemble…».
Et c’est là que Dominique Bussereau donne la pleine mesure de son intelligence fine et pénétrante : «Oui, enfin, elle rassemble des harkis, hein, si vous me permettez l’expression. Des gens qui vont un peu dans cette affaire, parce qu’ils n’ont pas d’autres moyens d’être élus»…
Car bien entendu, les «supplétifs» de l’UMP, chasseurs ou Philippe de Viliers, ce n’est pas du tout pour être invités sur l’autel où se partage le gâteau – entendre les places éligibles – qu’ils ont accepté “la main tendue” par Nicolas Sarkozy qui essayait tout simplement de ratisser le plus large possible en vue du premier tour qu’il pensait favorable. Non plus que les ex-amis de François Bayrou, passés à l’UMP avec armes et bagages pour ne pas risquer de se voir opposer un candidat UMP lors des prochains scrutins. On ne calcule pas si sordidement. C’est pur amour de la politique.
Il reste que je suppose que les élus Verts ou Modem qui ont rejoint Ségolène Royal sans attendre le second tour goûteront peu de se faire traiter de harkis, et quant aux vrais intéressés, je doute qu’il apprécient cette remarque teintée de quelque chose qui ressemble furieusement à du mépris. Certains y voyant même un nouveau dérapage raciste.
Bussereau s’était déjà illustré par ses réparties intelli-gentes que j’avais relevées sur un article déjà ancien (2 décembre 2009… sans doute Busserau voulait-il faire un coup d’éclat à défaut d’un coup d’Etat) de Sylvain Lepoix paru sur Marianne2, lequel n’y allait pas par quatre chemins pour écrire ce qu’il pensait du candidat Busserau, excusez du peu mais c’est une belle “exé-cution” : «Fier comme Artaban de défier Ségolène Royal aux élections régionales, l’UMP Dominique Bussereau moque volontiers «l’animatrice» du Parti socialiste… mais se révèle bien incapable en interview d’expliquer son programme pour Poitou-Charentes !». A la fin de l’envoi, je touche !
Le titre de l’article parle de lui-même : Pour Bussereau, Royal est une présidente de région «trop bidon !»… Si Ségolène Royal est “bidon” Busserau est un crétin sacrément gonflé ! Vous parlez d’un argument poli-tique… Comme par hasard, cela se passait déjà sur Europe 1, la nouvelle cantine des anti-Ségolène et cette fois, c’était même le taulier en chef - Jean-Pierre Elkabbach – qui passait les plats.
La vacuité des propos de Dominique Busserau – bien soulignée par Sylvain Lepoix – est patente. Il se contente de se présenter comme un «enfant du pays» et d’affirmer péremptoirement que les propositions de la présidente – de la voiture électrique à la démocratie participative - «tout ça, ce sont des slogans bidons !». Mais pour tout programme alternatif il se contente de «rappeler ce que Jean-Pierre Raffarin avait su faire à une époque». Bref, l’avenir mais à reculons !
Vous parlez d’un programme ! Et quand on sait qu’en 2004, lors même qu’il était encore 1er ministre ! les électeurs de Poitou-Charentes l’ont fait évacuer sur une belle civière, on peut supposer qu’ils n’auront guère envie d’appeler le grand poteau de Raffarin à la présidence.
Mais le clou, c’est à la fin de l’article quand Elkabbache propose à Bussereau d’organiser un débat en direct avec Ségolène Royal. Un vrai morceau de bravoure sous la plume de Sylvain Lepoix !
Aussi drôlatique que le chapitre inaugural de «Madame Bovary» et l’entrée de Charles Bovary au collège, avec les moqueries de ses condisciples au sujet de sa tenue et surtout l’improbable casquette pour autant que je m’en souvienne. Mais au fond, le niveau de Dominique Bussereau avec son humour pour noces et banquets ne déparerait pas dans un comice agricole tel que le décrit Flaubert.
«il exulte, gonfle le torse et promet du spectacle… Grisé par la lumière, les caméras, les micros qui se tendent vers lui du fait de la personnalité face à laquelle il a été placé, le ministre des Transports se laisse aller à la stratégie habituelle de l’UMP de railler l’ex-candidate socialiste sur son influence sur le Parti socialiste. Un bon argumentaire électoral effectivement, mais pas pour la même élection… à moins que Dominique Bussereau ne convoite secrètement le poste de Premier secrétaire du PS !»…
Mais maintenant, fini de rigoler. J’entends rappeler que Dominique Bussereau a tout fait pour mettre des bâtons dans les roues de Ségolène Royal quand elle cherchait à sauver l’entreprise Heuliez du dépôt de bilan. Preuve qu’il se soucie comme d’une guigne de la vie des vrais gens de Poitou-Charentes.
Pour tout dire, j’étais littéralement sidérée et en même temps dans la plus noire des colères que l’on puisse mettre en péril l’avenir de plusieurs centaines de salariés, plus celui de leur famille et des sous-traitants, uniquement pou savonner la planche d’une rivale. Le mot mesquin est trop faible. Une bassesse inouie. Nul doute que les électeurs de Poitou-Charentes s’en souviendront.
Ségolène Royal s’est battue comme une diablesse pour y parvenir et je dirais qu’heureusement Christian Estrosi, ministre de l’Industrie, n’a pas eu la même attitude que son collègue des Transports. Il faut savoir souligner les mérites des adversaires politiques quand ils agissent dans le bon sens. Cela rend les critiques plus crédibles quand il y a lieu.