J'ai rappelé, en introduction, que l'association avait pris pour devise une citation d'Edouard Glissant, l'écrivain antillais de renom : «agis dans ton lieu, pense avec le monde.» Nous agissons sur le territoire de la CASE pour le retour en régies publiques des DSP (1) ce qui ne nous empêche pas de déplorer les méfaits du réchauffement climatique et de lutter solidairement contre les catastrophes notamment celles dues aux activités humaines, qu'elles soient militaires, économiques ou financières.
En présence d'une cinquantaine d'auditeurs vivement intéressés par le conférencier, ce dernier a dressé une fresque «impensable» de l'histoire de cette république noire âgée de plus de deux siècles et totalement ostracisée par les anciens colons (la France) ou les nouveaux dominateurs (les Etats-Unis).
Haïti ne s'est jamais vraiment remis de son statut indépendant. Riche colonie francophone, l'île paie encore le prix immense de son émancipation et de sa volonté de sortir de l'esclavage. Christophe Wargny a bien décrit l'influence des églises, il a bien mis en avant les conséquences fâcheuses d'une économie anarchique, dominée par des monopoles et des oligarques. Il a insisté sur le poids de la corruption, de la violence produit de la dictature des Duvalier et de leurs milices (les sinsitres tontons macoutes) et le rôle de la Diaspora haïtienne qui représente tout de même 15 % des 10 millions d'habitants.
Après deux siècles de «fausse» autonomie, cette île a pourtant produit d'authentiques artistes et de merveilleux écrivains (2) : René Depestre (un ami du Moulin d'Andé) Dany Laferrière, Lyonel Trouillot etc. Ils font entendre leur voix après le terrible séisme qui a ravagé l'île. Mais dans quel but ?
Nous avions intitulé cette conférence : reconstruire ou construire Haïti ? Il faudra reconstruire Port-au-Prince, la capitale, et construire un état de droit, une démocratie avec une vraie police, une vraie justice, un système de santé, un réseau éducatif pour tous les enfants. Il faudra créer une agriculture de subsistance, reboiser, donner des emplois aux chômeurs, créer des circuits d'eau potable et d'élimination des déchets permettant à la population de vivre décemment. L'aide internationale, si nécessaire, doit progressivement laisser la place à une société haïtienne apaisée et auto-organisée.
Christophe Wargny a conclu ainsi son exposé : « Faut-il transformer Haïti en pupille de l'humanité comme le propose Régis Debray au nom de la fraternité ? Comment donner enfin toute leur place aux Haïtiens et pas toujours aux mêmes ? Inclure ceux d'en-bas, toujours humiliés ? Il faut révolutionner les mentalités, métamorphoser l'état flibustier en stratège et en protecteur ? »…
(1)DSP : délégations de services publics (eau, assainissement, déchets, transports etc.)
(2) site à consulter : http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/haiti/paroles.html