Le stock de thons rouges en Méditerranée a baissé de 75 %, notamment depuis l'apparition de la pêche industrielle dans les années 1980. La pêche industrielle est, dans sa quasi-totalité, destinée au marché japonais avec plus de 80 % des prises effectuées en Méditerranée. En septembre 2009, la Commission européenne a ainsi proposé aux 27 Etats membres d'inscrire le thon rouge en annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (Cites), dont la prochaine réunion est prévue du 13 au 25 mars 2010 à Doha au Qatar. Le 30 janvier dernier, l'Italie a annoncé qu'elle comptait arrêter la pêche au thon rouge pendant un an afin que les stocks puissent être renouvelés. La France s'est également dite favorable hier, "au nom de la protection de l'espèce", à l'interdiction de la commercialisation du thon rouge.
Pour rassurer les pêcheurs, le gouvernement a posé trois conditions : un délai d'application de l'interdiction de dix-huit mois, pour permettre de nouvelles expertises scientifiques et "peaufiner un plan de sortie des flottes" afin de réduire les capacités de pêche, le maintien d'une pêche artisanale (180 bateaux concernés) qui puisse commercialiser ses prises dans les pays de l'Union et enfin le financement par la Commission européenne de la conversion des thoniers senneurs.
Cette décision est "scientifiquement fondée et inévitable", a déclaré ce mercredi la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie, Chantal Jouanno. Cette décision est "lourde" mais "nécessaire", a affirmé le ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo.
Le président du Syndicat des thoniers méditerranéens, Mourad Kahoul, a réclamé "une réunion d'urgence" avec le président de la République. "Je suis en état de choc, a-t-il déclaré. On va vers une grosse crise". "C'est quand même triste de voir autant d'acharnement sur une pêcherie pour faire plaisir à des ONG irresponsables", a-t-il affirmé. D'après lui, le gouvernement veut donner "un os" aux ONG environnementales après les "fiascos" de Copenhague et de la taxe carbone.
La décision ne satisfait pourtant toujours pas Greenpeace, qui critique ce délai de 18 mois. "Ces 18 mois permettent encore deux saisons de pêche et autorisent les industriels à ponctionner toujours plus l'espèce ! Pourquoi ce délai ? Le gouvernement achète ainsi la paix sociale avec les industriels de la pêche, dans une période d'élections régionales", déclare l'ONG qui regrette que Nicolas Sarkozy n'ait pas lui-même annoncé la nouvelle." Après sa déclaration en juillet dernier pour l'interdiction du commerce international, le Président ne pouvait que laisser cette annonce aux membres de son gouvernement... ".
Quant au Comité National des Pêches Maritimes et des Elevages Marins (CNPMEM), qui regroupe l'ensemble des professionnels de la pêche en France, il "désapprouve" la position de la France.
Dans un comuniqué, Jean-Louis Roumégas, porte-parole des Verts et tête de liste Europe Ecologie aux régionales en Languedoc-Roussillon, considère que prétendre sauver cette ressource en interdisant l'exportation du thon rouge "est une vaste supercherie". Il affirme que "l'essentiel de la flotte des thoniers français est d'ores et déjà immatriculée hors UE, notamment en Libye, et échappera de facto à tout contrôle".
Le fait est que les volumes des captures de thons rouges, selon l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), excèdent largement les taux autorisés et le potentiel de reproduction du stock. Si cette décision française rend furieux les pêcheurs aujourd'hui, il faut comprendre qu'elle permettra à nos enfants demain de pouvoir manger du thon rouge à leur tour.
Emilie Villeneuve