Licenciements de fonctionnaires : la crispation de la presse

Publié le 04 février 2010 par H16

Tiens, un frémissement de changement ! C’est ce que je me suis dit en tombant sur les petits articles, ici ou là, qui relatent un vrai fait nouveau dans la déferlante quotidienne de bêtises pré-électorales : la loi, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique votée pendant l’été 2009 va bientôt entrer en application.

En gros, que dit cette loi ?

Plein de chose. Pour un assoupissement rapide, on peut la lire sur Légifrance, histoire de bien se confronter à la légèreté des productions de l’Assemblée : peu d’acteurs, et de longs, très longs monologues assez techniques et passablement casse-pied.

Dans le cas qui nous occupe, et si j’ai bien tout compris à cette législorrhée, c’est l’article 7, qui parle de réorientation professionnelle, qui nous intéresse dans le cas présent :

La réorientation professionnelle prend fin lorsque le fonctionnaire accède à un nouvel emploi. Elle peut également prendre fin, à l’initiative de l’administration, lorsque le fonctionnaire a refusé successivement trois offres d’emploi public fermes et précises correspondant à son grade et à son projet personnalisé d’évolution professionnelle, et tenant compte de sa situation de famille et de son lieu de résidence habituel. Dans ce cas, il peut être placé en disponibilité d’office ou, le cas échéant, admis à la retraite.

Dans cette partie, on parle du désir du législateur de faire en sorte que, lorsqu’un fonctionnaire occupe un poste devenu inutile, on lui propose un remplacement. La loi précise les conditions de ces propositions, leur nombre et les éventuelles suites en cas d’un potentiel échec de la réorientation.

On notera le « peut également prendre fin » ainsi que le   »il peut être placé ». On est, si je ne m’abuse, dans le domaine du « possible », pas du « devoir ». Bref : cette loi, votée, dit donc en substance que lorsqu’une réorientation a lieu, le fonctionnaire peut être déplacé / muté / réorienté, et que s’il refuse trois offres, il peut éventuellement être placé en disponibilité.

Pour information, et histoire de défriser les éventuels chafouins qui verraient dans ces dispositions d’intenables moyens de torture mis en place par l’Etat, rappelons que dans le privé, la plupart des contrats se signent sous condition de mobilité, que ces conditions sont, bien qu’encadrées, relativement larges.

Autrement dit, si le salarié refuse une ou deux fois une mission éloignée, il n’est pas absurde d’imaginer que la boîte le licencie. C’est donc la norme dans le monde normal (et pas seulement en France, mais, comme on s’en doute, partout dans le monde).

Or donc, l’état veut, basiquement, tenter d’appliquer le même principe pour lui-même.

Et là, c’est le draââame.

Pleurs et grincements de dents dans la fonction publique : « C’est terrible ce qui nous arrive ! L’État, qui veut nous épuiser à la tâche, va nous muter huit fois par an et on ne pourra pas refuser, car le refus est impossible, nous sommes ses esclaves et nous n’avons aucun autre avantage pour compenser c’est toribl, toribl toribl et à chaque fois qu’un fonctionnaire refusera d’être muté, l’État va tuer 1000 châtons ! »

Si l’on écarte – posément mais fermement, faut pas se laisser emporter, hein – les aspects passionnels qui font couler de grosses larmes et qui font baver le maquillage des guichetières en préfecture, on se rend compte que tout ceci n’a rien de bien surprenant et qu’il y a cependant tous les ingrédients pour faire une belle brochette de manifestations musclées dans les prochains jours.

Pourtant, d’après Bercy, 6000 à 8000 fonctionnaires seraient concernés par an par une telle loi. Evidemment, c’est le double selon les syndicats. Et ceux-ci d’embrayer sur le refrain connu du « L’Etat veut diminuer le nombre de fonctionnaires par ce biais« .

Admettons que les syndicats aient raison sur les motivations et sur les chiffres.  Mettons donc 20.000 départ via cette loi en comptant très très large. Eh bien pourtant, le nombre de fonctionnaires augmenterait toujours : selon les derniers rapports, même en tenant compte des départs en retraite non renouvelés, la fonction publique continue de gagner des postes à un rythme de 40.000 à l’année. Dans le pire des cas dénoncé avec des petits cris et de l’eau dans les yeux des syndicalistes, le nombre de fonctionnaires augmenterait donc de plus de 20.000 à l’année. Zut et rezut, il va encore être difficile de faire pleurer dans les chaumières avec de tels chiffres.

Pourtant, que la motivation de l’Etat soit effectivement de diminuer le nombre de fonctionnaires par cette loi ou par d’autres moyens, force est de constater qu’avec une personne active sur cinq dans la fonction publique en France, il est grand temps de mettre l’appareil administratif français à la diète. Surtout si l’on tient compte à la fois des prestations fournies (toujours de plus en plus mauvaises) et le niveau général des salaires de cette fonction publique (toujours de plus en plus bas, semble-t-il).

Eh oui, amis fonctionnaires, réfléchissez : moins vous êtes nombreux, plus il sera facile de vous payer décemment ! Vous devriez donc, en toute bonne logique financière, être plutôt pour les départs en retraite et les mises en disponibilité de vos collègues devenus inutiles et impossibles à recaser parce qu’ils refusent obstinément tout changement dans leurs habitudes.

Non ? Trop cynique ?

Ah la la…

Maintenant, foin d’emballement, mis-à-part quelques grèves et une n-ième salve de grognements de la part des syndicats, cette loi et ce décret ne risquent finalement pas de changer grand-chose dans la routine habituelle de l’administration, de son grossissement et de la descente toujours plus profond du niveau général des services rendus à la population depuis longtemps branchée à la trayeuse automatique.

En revanche, il y a fort à parier que le dépoussiérage de cette loi passée en catimini en plein été 2009 a, une fois encore, tout à voir avec les régionales et la volonté pour le camp des socialistes de droite de montrer à ce qui leur reste d’électorat qu’ils font des choses pour lutter contre cette obésité étatique.

On peut tenter de les croire.

Pour ma part, je trouve ça trop timide, trop tard.

CPEF.