Les films indépendants américains révèlent bien des surprises, et Jason Reitman en a fait partie. Thank You For Smoking et Juno, c’est lui. Le voir revenir avec Clooney en tête d’affiche, et pour une adaptation forte à propos, n’était donc qu’une demi surprise.
Reitman l’a montré, il aime les sujets de société. Grossesse adolescente, industrie du tabac, il les aborde de front avec un humour somme toute malicieux. Le voici de retour avec une ambiance plus qu’un sujet, les licenciements. S’il a commencé à travailler sur ce film qui devait être son premier en 2002, Reitman le sort fort à propos en pleine « crise ». Difficile donc de ne pas y voir l’actualité dans les pas de Georges Clooney, humble VRP ès licenciement, payé par les grosses entreprises pour faire le sale boulot à leur place. Une activité qui lui plaît car lui permettant de toujours être en mouvement, d’être confronté à la réalité et de collectionner les points « miles ». Ou l’inverse. Bref, George est un homme en liberté. Il va même jusqu’à entretenir une relation (saine) entre deux vols, et communique partiellement avec sa famille et son boss. Il aime donc sa vie, qui ne lui impose guère d’obligations, et lui laisse entretenir sa liberté (il passe à peine 40 jours par an chez lui). Aucune attache, quelques plaisirs, et toujours avancer. Seulement voilà, la nouvelle recrue de sa société souhaite informatiser le tout, et lui permettre de rentrer à la maison pour licencier par webcam interposée. Méthode réprouvée sans doute, mais pour lui c’est surtout la sédentarisation qu’il ne veut pas. Les voilà donc parti sur la route pour une tournée de licenciements, d’hôtels, de vols, et d’expériences de la vraie vie… hors webcams.
In The Air n’est pas le film indépendant révolutionnaire de l’année. Déjà, la marque « indépendant » reste très surfaite, et se retrouve plutôt dans le charme du film, véritable épopée moderne d’un homme parcourant les États-Unis en avion (d’autres en leur temps l’ont fait à cheval ou en moto), profitant de l’instant et sans attaches. Et sans éprouver le moindre remords ou ennui. Une forme de liberté plus importante que tout, mais pas que. Reitman la joue très malin en nous baladant dans un film très classique (le héros tombe amoureux, retrouve finalement sa famille, etc…), dont le contenu et la forme sont des plus charmants. Jusqu’au dernier quart d’heure, réaliste et sans appel. Blindant le film de petites phrases bien senties, il en revient au rôle de chacun dans la société, de l’uniformisation galopante des relations humaines, et du choix à faire entre ses envies et ses obligations. Chacun peut faire ce qu’il veut, mais tout le monde peut il y arriver? Le personnage incarné par Clooney n’a sans doute pas une vie classique, mais celle qu’il a choisit. On en reviendrait presque à un schéma classique sur la fin, si le réalisateur/scénariste ne sonnait le glas de cette standardisation : dans son désir de revenir à une situation plus classique, le héros se heurte littéralement au fossé qu’il a creusé avec le monde ordinaire (sans manquer de respect!), et doit alors en revenir à ses racines. Du moins, celles qu’il a choisi de suivre.
In The Air repose pour beaucoup sur Clooney certes, mais bénéficie d’une charpente très solide. Film comme il en existe beaucoup, on réfléchit ici à nos choix, nos envies, nos décisions. Et surtout laisse en suspens la question de savoir si dans notre volonté d’être libre, on ne s’enferme pas un peu plus dans des cases prédéfinies? Ici, le héros a choisi sa case, et il s’y trouve bien. Point.