Je progresse (lentement) dans mon visionnage de mes piles de DVD à découvrir. Au cours des derniers jours, j'ai fini une mini-série que je souhaitais voir depuis longtemps, Blackpool. Datant de 2004 (et comptant 6 épisodes), elle aiguisait ma curiosité tant en raison de son intrigant concept que pour son attrayant casting. C'est avec plaisir que je peux écrire que le résultat fut à la hauteur de mes espérances, cette fiction m'ayant offert quelques instants téléphagiques vraiment grisants.
Ripley Holden (David Morrissey) est un entrepreneur à succès. Porté par sa folie des grandeurs, il rêve de transformer la ville balnéaire de Blackpool, dans le nord de l'Angleterre, en un Las Vegas britannique. Détenteur d'un casino, il a de grands projets pour l'étendre, notamment en lui adjoignant un grand hôtel. Mais, un jour, un cadavre est découvert dans son établissement. La victime, un jeune homme à la réputation loin d'être parfaite, allait prochainement se marrier. L'inspecteur Carlisle (David Tennant) est appelé en renfort à Blackpool pour enquêter sur cet homicide. Rapidement, il s'intéresse de très près aux Holden, soupçonnant instinctivement Ripley d'être lié à ce meurtre. Mais les choses vont se compliquer pour Carlisle quand il va commencer à interroger les autres membres de la famille.
A partir de cette base policière très classique, Blackpool va parfaitement exploiter un format réellement original, teinté de comédie musicale et développé dans une atmosphère décalée, qui va en surprendre plus d'un.
En fait, face à Blackpool, le téléspectateur a un peu l'impression d'être tombé devant un étrange OVNI télévisuel : voilà un sentiment assez jubilatoire. Il s'agit d'une production dynamique qui ne se refuse rien en mêlant, avec une pointe de provocation et d'autodérision, les genres et les tons. Dotée d'une atmosphère clinquante pour le moins indéfinissable, où règnent les artifices, cette mini-série se complaît dans un superficiel accrocheur qui va finalement se révéler bien plus subtil et profond que la première impression pouvait le laisser penser. Elle est un hymne aux eszatz, aux "pseudos-genres", tant sur le fond que sur la forme. Son originalité ne réside pas dans les ingrédients utilisés - d'un classicisme parfois presque caricatural -, mais dans le coktail qu'elle ose réaliser en se les réappropriant pleinement. Initialement, tout semble n'être qu'apparence, brouillant les pistes pour échapper avec obstination à toute catégorisation. De ces nombreux excès - faux défauts, vraies maladresses, second degré volontaire... l'interprétation reste au choix du téléspectateur -, découle un univers digne d'une histoire de faussaire, comme dirait la chanson.
Tout téléspectateur s'essayant à la classer dans un genre précis voit sa démarche vouée à l'échec. Serait-ce une une mini-série policière ? Certes. Mais l'enjeu de découvrir le meurtrier apparaît rapidement très secondaire, presque anecdotique. L'enquête devient alors avant tout prétexte à des confrontations personnelles et à des ajustements sentimentaux. Si bien que la fiction n'a bientôt de policière que la toile de fond, constante, mais que le téléspectateur laisse inconsciemment en retrait.
Serait-ce une comédie musicale ? Elle se dote à plusieurs reprises des accents les plus classiques, comme une forme d'hommage... mais la vraie chanson originale couvre toujours à moitié la voix des acteurs, donnant une étrange impression de faux play-back déroutante. Et pourtant, les scènes chantées demeurent un des atouts principaux de cette mini-série. Car ces moments frôlent à plusieurs reprises le génial, instants décalés carrément jubilatoires, qui vous donnent une envie irrépressible d'applaudir devant votre petit écran. Le dynamisme est contagieux, le rythme prenant... Sans même s'en rendre compte, le téléspectateur se retrouve instantanément embarqué dans ces parenthèses loufoques et savoureuses auxquelles Blackpool doit tant.
Pourtant, derrière tous ces faux-semblants et ce côté si brillant et voyant, Blackpool surprend par son évolution. En effet, au fil des épisodes, la mini-série acquiert une dimension plus humaine et l'écriture apparaît plus subtile, plus réfléchie. Elle révèle progressivement les ambivalences de personnages loin d'être unidimensionnels, cachées derrière des apparences stéréotypées. Les rapports entre les différents protagonistes bénéficient également d'un traitement plus soigné, qui sonne assez authentique, et les rend dans l'ensemble attachants. La mise en perspective la plus marquante est probablement celle de Ripley Holden, le propriétaire du casino, qui navigue initialement dans une zone très trouble, où ses colères et son arrogance déconcertent. D'ailleurs, le dénouement de la série surprend agréablement : loin d'être aussi convenu que l'enquête policière ne le laisserait paraître, il y flotte ce même parfum de folie douce qui règne sur l'ensemble de la fiction.
Si, sur le fond, la mini-série se révèle surprenante et plaisante, le casting joue également pour beaucoup dans l'affectif que développe rapidement le téléspectateur pour Blackpool. Certes, je confesse être probablement un brin pré-conquise a priori, n'ayant jamais été insensible à aucun des acteurs principaux de cette production. Cependant, cela n'enlève rien à leurs mérites. En effet, il faut tout d'abord saluer et applaudir la performance grandiose de David Morrissey (State of Play, Meadowlands), tout simplement génial en homme d'affaires atteint de la folie des grandeurs, qui emporte tout sur son passage. Ecrasant de charisme, il donne une toute autre dimension à certaines scènes qui auraient pu rester anecdotiques. A ses côtés, David Tennant (Doctor Who) est fidèle à lui-même, moins excentrique que celui sur lequel il enquête ; mais j'avoue que le seul petit accent écossais qu'il conserve ici (ce qui est assez rare) suffit à me faire fondre. Sarah Parish (Mistresses) complète de façon convaincante ce trio. D'ailleurs, de manière générale, c'est le casting dans son ensemble, jusqu'aux seconds rôles comme Bryan Dick, qui s'avère très solide.
Bilan : A partir d'un format très original, Blackpool nous conte une histoire très classique, dotée d'une intrigue policière sans surprise. Mais l'enjeu n'est pas là. Le téléspectateur se prend facilement au jeu très étrange de cet ersatz de comédie musicale, tout en s'attachant facilement aux personnages. Au fur et à mesure que la mini-série avance, il est très appréciable de constater que, contrairement à ce que l'on pouvait craindre au départ, elle ne s'enferme pas dans un côté unidimensionnel ; et, en ce sens, le personnage de David Morrissey m'a agréablement surprise par son évolution tout au long de la série. Ce n'est pas manichéen, c'est déjanté, et la surprise de clôture ne viendra pas de la chute apportée à l'enquête policière.
NOTE : 8,5/10
Pour un aperçu musical de ce qui fait de cette mini-série une incontournable, voici quelques chansons - de la plus soft à une des inoubliables chorégraphiées (avec David Tennant menant la danse - cf. la 3ème).
A savourer :
(Gambler, Johnny Cash)
(Don't stop me now, Queen)
(The boy with the thorn in his side, The Smiths)