« Danton » de Andrzej Wajda (TF 1 Video)
Sortie cinéma : 12 janvier 1982
En DVD et en Blu-ray le : 9 février 2010
Qui de Danton ou de Robespierre était le plus sanguinaire ? Les historiens se crêpent toujours le chignon pour calculer le taux d’hémoglobine obtenu par l’un et par l’autre. Andrzej Wajda qui s’appuie ici sur le livre de Stanislawa Przybyszewska, réhabilite un tantinet Robespierre, en lui accordant des circonstances atténuantes. Mais de relaxe, pas vraiment, surtout qu’en face Danton demeure « l’ami du peuple », celui des manuelles d’Histoire (quand ils ne sont pas d’inspiration marxiste), un homme glorifié par de nombreux films ou romans, et la mémoire collective qui lui accorde une station de métro à Paris. Robespierre n’a pas de strapontin.
Si celui-ci retrouve sous l’œil de Wajda un peu de sa lumière, il a fort à faire avec ce frère ennemi qui sous les traits de Gérard Depardieu, a une faconde plutôt engageante. Wajda le dépeint comme un révolutionnaire aristocratique, qui aurait délaissé le peuple au profit de son petit confort. Il boit la vie au goulot, se complaît dans les orgies et pérore dans le vide. Pourtant c’est toujours la rue qui lui accorde ses hourras, alors que Robespierre frôle les murs et n’adresse la parole qu’à son petit comité révolutionnaire.
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Sur ce ring aux relents de guillotine, « Danton » pose clairement les enjeux de ce qui reste de la révolution française : tout peut se jouer à une voix près, une décision plus arbitraire que celle du camp ennemi. Et c’est à cet affrontement entre ces deux clans que Wajda s’attache , dans une mise en scène très présente (on sent beaucoup la direction d’acteurs, la présence de la caméra). Mais le talent des comédiens se révèle sans faille.
Wojciech Pszoniak, ou Robespierre incarné
Depardieu, bien sûr, et aussi son alter-ego Wojciech Pszoniak, en Robespierre inspiré et semble-t-il très proche de la vérité. Wajda évoque longuement dans le supplément la façon dont le film a été imaginé après avoir vu la pièce éponyme à Paris. « Je me suis demandé aussi pourquoi j’y pensais à cette époque, au début des années quatre-vingt, et pourquoi moi ? »
A ces deux questions le réalisateur polonais connaît la réponse. Dans son pays, le syndicat Solidarnosc est sur le point d’être interdit, et le président dictateur Jaruzelsky s’apprête à décréter l’état de siège. Andrzej Wajda est un militant, très engagé dans la lutte des ouvriers et du peuple. Il imagine alors son « Danton » dans un esprit tout à fait révolutionnaire. Jean-Claude Carrière, l’un des nombreux scénaristes du film ( avec notamment la réalisatrice Agnieszka Holland, qui se fait bien rare ) le ramènera à un peu de raison « je lui ai dit que Jaruzelsky n’était pas immortel et que son film devait lui survivre, ne pas dater en quelque sorte vingt ans plus tard ».
Patrice Chéreau( Desmoulins) et Anne Alvaro ( Eleonore Duplay) dans un de ses premiers rôles au cinéma
Un face à face prodigieux entre deux comédiens au sommet de leur art. Ils ne parlaient pas la même langue
Un bon conseil que suivra le réalisateur qui se félicite de deux décisions majeures : avec un comédien polonais dans le rôle de Robespierre, il décide que tous ses partisans du comité révolutionnaire seront polonais et joueraient dans cette langue. Toutes leurs scènes ont été tournées en premier et ensuite visionnées par les hommes de Danton. « Et de Depardieu à Patrice Chéreau, en voyant leur interprétation ,ils ont immédiatement compris dans quel sens je voulais aller ».
Une technique de travail peut-être inhabituelle, mais qui ici porte ses fruits. Contrairement à la mise en scène, on ne voit pas le tour de passe-passe.