C’est l’histoire d’un célébrissime romancier japonais qui relate son processus de création littéraire. Et, en écho, sa pratique de la course à pied. Le bouquin s’appelle Autoportrait de l’auteur en coureur de fond. C’est signé Haruki Murakami.
J’ai déjà perdu 101 lectrices. Celles qui, comme Mel, s’endorment dans les 20ères minutes de Ran de Kurosawa ou à la page 5 d’un livre de Mishima. Le style contemplatif et méditatif, très peu pour elle. Mel aime l’action, les tourbillons et le saucisson.
Pour les autres, restez. Enfin non, Mel toi aussi tu peux lire. Parce qu’Autoportrait de l’auteur en coureur de fond est une vraie profonde déception. Et tu aimes quand je n’aime pas un livre japonais, petite perverse.
Vraie profonde déception, chaque mot est pesé. D’abord parce que ce bouquin m’était conseillé par Jean-Luc un copain de 30 ans de la Fac de droit de Nancy qui a super bien réussi sa vie professionnelle parce qu’il est Head of the Brussels Bureau Dept. 5.1.3.4. Bref qu’il travaille pour l’administration européenne. Qu’il a passé avec brio le concours le plus dur du monde. En plus il court des marathons : New York, Rome,… et cette année Barcelone. Un mec bien j’vous dis, genre grand blond dans les sketchs de Gad Elmaleh mais en pas frimeur et intelligent.
Ensuite parce que Runner’s world et surtout ma bible Zatopek dans son n°11 en ont dit aussi le plus grand bien. Pas de Jean-Luc. Mais du livre de Murakami.
Dans un tel contexte, j’ai foncé tête baissé. Je me suis pris un mur. Et j’ai mal au cou depuis 3 jours. Je dors avec une minerve. Je vous l’accorde, je suis un peu présomptueux. J’ai un ego un peu démesuré et je ne doute de rien. Çà me fait au moins un point commun avec Haruki. Donc comme en plus il court, je me considère autorisé à critiquer son livre, moi qui n’arrive pas à écrire d’article de plus de 30 lignes…
Oui le livre de Murakami est un vrai raté. Le style est lourd, sans emphase. Sans poésie ni envolée physique ou métaphysique. Voire extatique. Le contenu sur la course à pied frise l’indigence. Le vide. Le néant. Rien de profond sur le coureur. Sur son entraînement. Sur son rapport à la souffrance physique. Sur les relations avec ses multiples coachs. Sa femme. Sur pourquoi le mur du 35ème. Sur tout ce qui fait un marathonien en fait. Des contradictions même : une page, Murakami précise qu’il ne pense pas quand il court. Une autre, il indique répéter régulièrement quelques unes de ses conférences. Une page il parle de son entraînement pour le marathon de Boston. Le chapitre suivant il cause triathlon.
Rien d’intéressant au royaume de l’écriture et de la course à pied au pays du soleil levant… Vous ne me croyez pas ? Normal. L’auteur sera mon meilleur témoin de probité. Je cite, passage sur une douleur au mollet lors d’un marathon :
… Alors que je m’étais entraîné tellement dur, pourquoi avais-je souffert de crampes ? Bien sîr je ne pense pas que tout effort doive forcément être récompensé, mais s’il existe un Dieu dans le ciel, n’aurait-il pas pu m’adresser un petit signe ? Etait-ce excessif d’attendre un tant soit peu de gentillesse ? …
Haruki, pas la peine de réveiller Dieu pour si peu. Si t’as des crampes au mollet en course c’est par manque d’entraînement. Ou d’hydratation. Ou à cause d’une mauvaise gestion de course. D’une mauvaise alimentation. Ou encore parce que les Mizuno que tu affectionnes tant pour leur côté « modeste » ne te sont pas adaptés. Comme pour moi.
Murakami tire encore une grande fierté de ses kilomètres parcourus chaque semaine, dont il égrène le décompte comme il alignerait les pages d’écriture. Tout le monde sait pourtant que ce n’est pas le nombre de kilomètres parcouru qui fait le bon ou le mauvais marathonien. Comme il y a le bon ou le mauvais chasseur, j’y reviendrai. Non, je vais vous en parler de suite. J’ai lu le roman de Murakami dans le train pour Paris, aux côtés d’un voyageur qui parcourait un magazine intitulé « Chasse bécasse passion ». Titre quasi-surréaliste par la simple juxtaposition de ces trois mots. Ben je crois que ce voyageur et moi on se comprendrait mieux que Murakami et moi si on parlait marathon…
Parce que, pour finir, Haruki met aussi un point d’honneur à ne pas marcher sur marathon. Pourquoi, aucune idée. Sûrement pas pour le résultat final. L’intérêt de soulager les muscles sur quelques mètres n’étant plus à démontrer. En changeant juste son regard sur le marathon, il aurait pu améliorer son résultat. Il aurait pu, peut-être, atteindre la plénitude à laquelle ses précédents ouvrages lui ont permis d’accéder. D’un point de vue littéraire.
Alors, Jean-Luc si tu me lis et si t’es vraiment le gars bien que je crois, tu me dois 19,90 €. Ou une bière au café du commerce place Stanislas !