Autour de quatre légendes urbaines roumaines, la dictature de Ceausescu en prend pour son grade. Drôles et tragiques, touchants et émouvants, les Contes de l’Age d’Or - sortis très discrètement depuis un mois -, sont encore à l’affiche sur quelques écrans. KUB3 vous en dit plus sur ce véritable OVNI cinématographique. A découvrir !
Un jeune photographe stagiaire découpe un bout de papier en vitesse, pour le coller sur le crâne du camarade et Président Ceausescu sur la photo officielle de l’arrivée de Valéry Giscard d’Estaing à l’aéroport de Bucarest…
Un policier proche de la retraite tente de tuer un cochon apporté en douce par son beau frère, en l’enfermant dans la cuisine de son petit appartement tout en allumant le gaz pour l’asphyxier…
Un professeur, improbable “hussard rouge” mandaté par le Parti communiste roumain, tente de réduire l’analphabétisme en arrivant dans un village reculé et se heurte rapidement aux priorités des paysans : “quand tout le monde saura lire, qui ira traire les vaches ?”…
Ces quelques saynètes, issues des très bons Contes de l’Age d’Or de Cristian Mungiu, nous présentent une Roumanie peu connue en France : celle des dernières années du pays sous houlette communiste.
Pourquoi “l’Age d’Or” ? Car le régime communiste roumain avait déclaré, juste avant que 1989 ne l’emporte, que ces quelques années formaient une période faste, un véritable âge d’or du régime, en référence à l’Age d’Or antique décrit par Virgile dans ses Géorgiques. Age d’Or évidemment tourné ici en dérision, avec une férocité certaine mais non sans humour. On pense parfois aux pièces de Ionesco - Rhinocéros bien sûr -, mais aussi à une pièce plus récente, Ce formidable Bordel (titre évocateur !), datant de 1973.
Oui, quel formidable “bordel” a dû être cette Roumanie des dernières années de la dictature de Ceauşescu ! Ce décalage entre la rigidité des ordres du Parti Communiste Roumain et le quotidien centré sur la débrouille, le marché noir et la corruption locale rappelle aussi certaines blagues qui avaient cours en Union soviétique à cette époque, taclant la gérontocratie au pouvoir, les problèmes de ravitaillement, les immeubles collectifs mal chauffés, les Lada pétaradantes, et tâchant ainsi avec humour de dépasser la morosité quotidienne.
Mais, si l’on ressent l’absurdité des quatre sketches de ces Contes de l’Age d’Or, Cristian Mungiu lui confère une tonalité plutôt douce-amère, loin d’annoncer et de laisser deviner la violence qui secouera bientôt le pays et cette foule qui lynchera Ceausescu devant les caméras. C’est d’ailleurs ce qui rapprocherait ce film d’un certain Goodbye Lenin - où resurgit toute l’ambiguïté de se pencher sur un passé qui n’en finit pas de revenir.
En salles le 30 décembre 2009
Crédits photos : © Le Pacte