Il faut croire - vous n'avez pas le droit de penser autrement, pour votre plus grand bien - que les autorités vietnamiennes n'ont
pas peur de la liberté. Pour préserver leur pouvoir totalitaire, aux mains d'un parti unique, elles empêchent simplement tout relèvement de tête et toute critique, qui
feraient désordre. Car l'ordre doit régner à Hanoi et autres villes du Vietnam...
La semaine dernière j'ai raconté les persécutions dont l'Eglise catholique est l'objet de la part de cette dictature communiste [voir mon article Au Vietnam, plus que jamais, le régime communiste persécute les
catholiques ]. Cette semaine je vais évoquer les arrestations et condamnations arbitraires dont sont l'objet les dissidents vietnamiens de la part de cette même dictature,
qui ne fait que défendre son existence bien menacée.
C'est souvent en vertu de deux articles du Code pénal vietnamien que les dissidents vietnamiens sont poursuivis.
L'article 88 réprime la propagande contre la République socialiste du Vietnam. Autrement dit ceux qui font de la propagande contre
l'administration du peuple, la diffame ou déforme la vérité sur elle; ceux qui font de la guerre psychologique ou répandent de fausses nouvelles pour semer la confusion dans le peuple;
ceux qui fabriquent, conservent, font circuler des documents ou des articles culturels dont le contenu est dirigé contre la République socialiste du Vietnam. Les contrevenants encourent des peines
de 3 à 20 ans de prison.
L'article 79 du Code pénal vietnamien réprime ceux qui mènent des activités, qui fondent ou qui rejoignent des organisations, visant à renverser le gouvernement
du peuple. Les contrevenants encourent des peines de 12 à 20 ans de prison, la détention à perpétuité, voire la peine
capitale, et leurs complices des peines de 5 à 15 ans de prison.
Qui sont ces dangereux criminels ? Des écrivains, des blogueurs, des avocats, des journalistes. Avant d'être jugés ils sont hébergés en prison pendant de longs mois, à titre
préventif. Un avant-goût de ce qui les attend pendant les années suivantes.
Quelques exemples tout récents de condamnations
Monsieur Le Cong Dinh, 41 ans, avocat, connu pour défendre d'autres avocats militants des droits de l'homme, a enfreint l'article 79. Commment ? En participant à la rédaction
d'une nouvelle constitution (sic). Il a été condamné le 20 janvier 2010 par un tribunal d'Ho Chi Minh-Ville à 5 ans de prison.
Comparaissaient en même temps que lui ici, pour avoir enfreint
l'article 79, un blogueur-informaticien, Nguyen Tien Trung, 26 ans, qui a fait ses études à Rennes, accusé d'avoir fondé un mouvement de jeunesse démocratique;
Tran Huyn Duy Thuc, 43 ans, accusé d'avoir créé un groupe de travail sur les problèmes socio-économiques; Le Than Long, 42 ans, accusé d'avoir participé à ce
dernier groupe.
Il leur était reproché en outre, à tous les trois, d'avoir eu des relations coupables avec des organisations réactionnaires exilées à l'étranger et d'avoir tenté de renverser le
gouvernement du peuple par des moyens non-violents (sic), sur internet...
Le 20 janvier Nguyen Tien Trung a été condamné à 7 ans de prison, Tran Huyn Duy Thuc à 16 ans de prison et Le Than Long à 5 ans. Tran Huyn Duy
Thuc n'a dû sa plus lourde condamnation qu'à son indocilité...pendant le procès. Ah mais !
Mademoiselle Pham Thanh Nghien, 32 ans, a enfreint l'article 88. Comment ? En écrivant et en manifestant...à son domicile (sic) contre l'annexion par la Chine
des archipels Paracels et Spratly. Cette lauréate du prix Hellman/Hammett 2009 ici a été condamnée le 29 janvier à 4
ans de prison par un tribunal de Haiphong ici.
Dans deux jours
Le 5 février 2007, ce sera au tour de l'écrivain Tran Khai Thanh Thuy, 48 ans, d'être jugée, sous une accusation encore plus inédite, par un tribunal de
Hanoi. Cette écrivain a déjà connu la prison pendant 9 mois, en 2007, pour "trouble à l'ordre public". Cette fois elle a été arrêtée le 8 octobre 2009
pour les "coups et blessures" qu'elle a reçus (sic).
Madame Tran Khai Thanh Thuy ce même 8 octobre 2009 avait voulu assister au procès de six militants pro-démocratie. Arrêtée une première fois, elle est libérée et rentre chez elle.
Elle et son mari, Do Ba Tan [photo ci-dessus qui provient d'ici], y sont agressés par un inconnu, un certain
Diep. La police arrive peu après le départ de l'agresseur, sur plainte de ce dernier, qui accuse le couple de coups et blessures. Pour preuve une photo montrant leur
victime blessée, photo qui date du ... 28 février 2005. La ficelle est grosse, mais, que voulez-vous, le régime doit bien s'en contenter, faute de mieux.
Membre de l'English Pen ici, lauréate du prix Hellman/Hammett 2007 ici, Tran Khai Thanh Thuy encourt une peine de 3 ans de prison. Il est vraisemblable que les juges "indépendants" du tribunal de Hanoi ne se montreront pas cléments à l'égard de cette récidiviste... qui nargue le pouvoir du haut de son mètre cinquante-deux.
Francis Richard
Nous en sommes au
564e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani (de
droite à gauche), les deux otages suisses en Libye