Il en fallait bien un remarquez ça aura tenu quatre jours si on excepte ce que j’ai pu dire à propos des vœux de bonne année.
Mais je dois dire que j’ai de plus en plus de mal avec ces messages bien niaiseux et remplie de guimauve bien sirupeuse… Vous savez ces messages qui sont du spam et qui vous font un gros coup de morale à deux balles ou vous font culpabiliser.
Mais si vous savez les histoires à la mord moi avec le petit enfant qui vous apprend la vie par sa réaction spontanée ou celle dans laquelle le fantôme de je ne sais qui vient vous raconter une histoire qui vous fera voir la vie différemment… J’en ai marre, marre et remarre de ces histoires à la con et ce pour plusieurs raisons.
La première et non des moindres c’est qu’elles sont toutes bidons ou presque, il suffit d’un peu de temps, d’une plume pas trop pourrie et d’une idée et vous voilà en face d’une histoire qui pourrait être vraie, qui sent le vrai, qui a tous les accents du vrai mais qui n’est qu’un tissu de mensonge fait pour vous toucher sur la corde sensible, fait pour vous émouvoir, pour vous donner envie de devenir un apôtre de je ne sais quelle cause plus ou moins de bon sens que tout le monde reconnaitra être une cause prioritaire.
Le pire n’est pas peut être encore que des gens écrivent des histoires bidons et tristes ou touchantes ou mielleuses, non le problème c’est que ces histoires sont toujours proposées comme des chaines, qu’il faut partager au plus grand nombre comme pour répandre la bonne parole, pour rendre les gens moins bêtes… Enfin c’est ce qu’on veut nous faire croire bien sur car encore une fois on ne peut qu’être d’accord avec la morale de ces histoires.
Bon pour bien vous faire comprendre le truc je vais tenter un exercice difficile, je vais tenter de vous écrire une de ces histoires bidons même si pour le coup vous êtes prévenus à l’avance mais étant donné que ça devrait aussi être le cas pour les histoires dont je vous parle cela ne devrait donc pas changer votre regard.
Alors que je me promenais sur les bords de l’Isère j’aperçus cet homme assis qui jetais des cailloux dans l’eau, son regard semblait être lointain. Je ne m’arrête jamais mais le regard de cet homme m’a interpellé, prenant le temps de m’approcher de lui lentement j’essayais d’engager la conversation.
- Bonjour, excusez moi, je peux m’assoir?
L’homme tourna un regard vide vers moi, j’avais l’impression de regarder un puits de noirceur, rien ne semblait illuminer ses pupilles au point où je me suis demandé si cet homme n’était pas un patient qui se serait échappé d’une maison de soin.
Malgré tout je m’asseyais à côté de lui, prenant un caillou je refaisais le geste qu’il était en train de faire quand je l’ai vu.
Replongeant son regard dans l’eau il reprit son geste presque machinalement et me répondit.
- Vous savez on se trompe.
Ne sachant quoi répondre je le regardais interloqué, il me regarda à nouveau et son regard semblait vivant à ce moment là.
- Oui dans notre vie, notre société, on se trompe. On se trompe de priorité, on se trompe de tout. On court après du vent, et on passe à côté de l’essentiel, des choses vraiment importantes. Vous voyez on nous apprend très tôt à fuir et courir après ce que l’on appelle réussite. On nous apprend à être le meilleur, à ramener des bonnes notes, à passer des diplômes, à apprendre un métier, on nous apprend qu’il faut construire un foyer, fonder une famille, avoir des enfants et qu’il faut gagner sa vie suffisamment pour élever ses enfants, pour qu’à leur tour ils prennent le relais et reproduisent le même cheminement.
Cet homme semblait ne plus s’arrêter, j’avais repris le jet de cailloux et l’écoutais avec attention, sa voix semblait très lasse, alors qu’il semblait prendre le temps d’une pause, je regardais dans sa direction et j’avais l’impression que son regard s’était voilé, comme brillant un peu trop.
- Et puis pour le travail on commence à avoir des responsabilités, on gagne de l’argent, de plus en plus d’argent, les enfants sont contents ils portent des vêtements de marque, madame est heureuse dans une maison magnifique, entretenue pour elle, et puis on est fier d’être celui qui rend les gens heureux, mais on devient absent, petit à petit on se laisse absorber, pour un bonus supplémentaire, pour une prime, pour une promotion, lentement mais surement on se fait empiéter. Ho pas comme il y a des années en arrière, de nos jours c’est plus insidieux, un mail par ci, un appel avec un client par là, un sms rapide alors qu’on rentre chez soi pour profiter de ses enfants. On ne reste plus au bureau jusqu’à point d’heure, non mais on se laisse entrainer dans un cercle vicieux on ne peut plus s’en échapper…
Vous savez un jour j’ai eu un accident, un terrible accident, je répondais à ma secrétaire par sms, je ne regardais pas la route, vous savez c’était ici, ici même, il y a de cela trois ans, trois ans et pourtant je reviens ici tous les ans, je m’assois sur le bord de la rive et je regarde l’eau, espérant presque que tout ceci ne soit qu’un cauchemar, qu’un affreux cauchemar. Cette jeune femme avait pris ses deux enfants pour les emmener manger au MacDo, après tout c’est compréhensible leur père rentrait tard ce soir là, c’est ce que j’ai su plus tard. Et alors que je répondais j’ai fait un écart avec ma voiture, et cette jeune femme au lieu de laisser sa voiture percuter la mienne a mis un coup de volant, elle a quitté la route, et s’est enfoncée dans l’Isère comme une pierre… La voiture était fermée de l’intérieur, les femmes ont souvent peur et s’enferment et malheureusement le système s’est coincé, l’eau est entrée par les aérations, lentement, insidieusement, je n’ai pas vu la voiture je n’ai compris que lorsque j’ai vu les phares s’enfoncer dans l’eau. J’ai appelé les secours, mais ils étaient morts, tous les trois, morts pour que je réponde à un sms pour un rendez vous prévu le lendemain. Mort pour que je gagne de l’argent avec un client. Mort par mon inconscience, mort par ma lâcheté parce que je me suis laissé entrainer dans l’engrenage. Vous savez on comprend alors, on comprend qu’on ferait mieux d’être auprès des siens, qu’on ferait mieux de ne pas courir après du vent, la vie peut s’arrêter si vite… Les moments qu’on ne passe pas avec ceux qu’on aime sont des moments qui sont perdus à tout jamais. Et franchement je ne crois pas que l’on me l’avait appris avant cet accident. Maintenant excusez moi, mais je voudrais me recueillir pour ces pauvres âmes tout seul si vous le permettez.
Je n’ai pas osé refuser, je me suis levé, le cœur serré, voir à quel point la culpabilité pouvait ronger cet homme m’a touché au plus profond, mais j’imaginais un mal pour un bien, cet homme qui devait avoir maintenant du temps à consacrer à ceux qu’il aimait.
Ce n’est que le lendemain en lisant le journal que je me suis souvenu de tous les mots de cet homme, lorsque j’ai lu dans les faits divers qu’un homme s’était suicidé en se jetant dans l’Isère, un homme qui n’avait jamais pu se remettre d’un accident qui avait eu lieu trois ans auparavant et dans lequel après avoir fait un écart sur la route il avait projeté dans l’eau une voiture dans laquelle une femme et ses deux enfants se trouvaient. Sa femme et ses deux enfants. Sa propre famille.
J’ai quitté mon travail, j’ai trouvé une place où une fois ma journée terminée je rentre chez moi et je profite de ma famille. Et je ne serais jamais plus cet homme qui courrait après ce qui a finalement mis un terme aux choses qu’il avait de plus précieuses.
Bon et bien moi ces histoires à la con ça me gonfle! Voilà c’est dis.
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