What do you call it ?L'interrogation se révèle lancinante au sein de la scène post-dubstep depuis quelques mois tant il s'avère difficile de caractériser les mutations sonores qui révolutionnent les cercles de la bass music britannique. Il semble ainsi a priori ardu d'agglomérer des productions musicales aussi diverses que celles proposées par Joy Orbison, Greena , Julio Bashmore, Untold ou Mosca, qui toutes partagent néanmoins la volonté de "pousser le son" à partir d'un background dubstep. Le label Fabric vient pourtant de s'y risquer en publiant sa compilation -manifeste, Elevator Music (en vente ici, euh non là ), qui entend enregistrer la cristallisation musicale en cours. Autant le dire tout net, le résultat est contrasté et nombre de morceaux sonnent comme des semi-déceptions. Toutefois l'objet a au moins le mérite d'engendrer un intense brainstorming , un concours Lépine terminologique dont le site Resident Advisor s'est récemment fait l'écho. Bien sûr si la mise en musique des mots provoque généralement l'unanimité des mélomanes, l'inverse suscite des réactions bien tranchées. D'un côté les tenants de l'option "le son parle de lui-même" rappellent combien les étiquettes sont là pour fossiliser la musique (langage universel en soi), encaserner la créativité et empêcher son déploiement; bref, que le processus est une vaine tentative visant à stopper la folle course vers l'inconnu de ce qui demeure par nature un flux insaisissable afin de sédentariser un des rares espaces symboliques de liberté au sein de nos sociétés du contrôle sécuritaire. En ce sens l'impossibilité de trouver un terme adéquat à cette nouvelle orientation de la scène anglaise reflète avant tout son incroyable inventivité. A l'opposé les partisans de l'identification des genres musicaux, au-delà des atouts que la pratique peut conférer d'un point de vue marketing, insistent sur la fonction première du langage : nommer les choses, c'est certes se les approprier mais c'est également leur conférer du sens, les rendre intelligibles aux hommes et donc réconcilier ces derniers avec le monde. En conséquence, les mots sont le lien essentiel rendant possible le vivre ensemble.
Mais problème : le langage peut tout aussi bien constituer un facteur de division, la multiplicité des propositions terminologiques actuelles en atteste : ainsi certains promeuvent l'étiquette future garage à l'instar du producteur Whistla. Celui-ci précise, dans un entretien que tu peux lire ici, que le concept recouvre essentiellement un son dont l'ambition est d'adosser la culture 2 step/UK garage à l'héritage Detroit pour un résultat qui mêle donc breakbeats et deepness à l'instar des productions de Submerse, Clueless ou Synkro (et plus globalement des sorties du label L2S). Par ailleurs il précise que le future garage n'a rien à voir avec le courant UK funky. Pourtant une option post-dubstep concurrente entend bien s'inspirer de cette dynamique de tropicalisation pour aboutir à une forme de cyber-soca aux ardeurs métalliques suivant les préceptes du No Charisma de Martin Kemp , du Wadde Pearson Sound (aka Ramadanman) ou du terrible Tenzado de Greena. D'où l'émergence du tag future bass dont l'avantage est d'inscrire la what do you call it music dans la mouvance plus large de la culture hardcore. Mais on se trouve face à un nouveau problème : une autre logique, représentée par exemple par Joy Orbison, le Finlandais Hypno ou Julio Bashmore, revendique un rapprochement avec la culture 4/4 sous ses formes deep house ou dub-techno donc un éloignement relatif par rapport à l'épicentre bass music. Enfin pour finir dans la plus grande confusion mentale (et on t'épargne le funkstep), des producteurs tels que Brackles, Shortstuff ou Mosca forgent un son 2 step abstrait et dysfonctionnel tandis que d'autres, Doc Daneeka et Altered Natives en premier lieu, ressuscitent le broken beat.
Conclusion par l'absurde : si une telle profusion de néologismes ne suffit pas à identifier clairement cette nouvelle orientation musicale, c'est avant tout, peut-être, parce que le sens attribué aux choses ne se dévoile qu'a posteriori, après la bataille, quand les mystères musicaux n'en sont plus et que la fascination devant l'inconnu a disparu. Au moins, en attendant, on est sûr que si son nom est personne, le courant What Do You Call It n'est pas Monsieur Tout-Le-Monde.
Hackman - Pistol In Your Pocket (Hypno's Tight Pants Mix) (Fabric / 2010)
Bonus YouTube : playlist midweek comedown
1) Delphic - Doubt (Doc Daneeka's All Space For Grime Remix) (Tres Cool /Polydor)
2) D1 - Jus Business / Pitcher (Dub Police)
3) Mizz Beats - My World (Deep Medi)
4) Joy Orbison - So Derobe (Aus Music)
5) Martyn Ft DBridge - These Words (Roska's Speechless Mix)
6) Pangaea - Pangaea Ep (Hessle Audio)
7) DVA - Natty / Ganja (Hyperdub)
8) Duncan Powell - Came Into View Ep (L2s Recordings)
9) Danny Byrd Ft Liquid - Sweet Harmony (Jungle Mix) (Hospital)
10) Mark Pritchard - Heavy As Stone (Forthcoming Deep Medi ?)