La polémique suscitée par la réaction du cinéaste Claude Lanzmann au roman de Yannick Haenel, sur le résistant Jean Karski n'en finit pas de faire couler de l'encre.
Au centre du débat, les limites de la fiction. Peut-on faire de la fiction intégrant des personnages historiques ? Peut-on leur prêter des mots qu'ils n'ont peut-être pas eus simplement parce que l'on ne sait pas ce qu'ils ont dit ? Histoire, politique et fiction ont-elles des frontières bien définies et infranchissables ?
Pierre Assouline, romancier et journaliste, s'était lui-même confronté à ce problème lorsqu'il a écrit Lutetia. Dans ce livre, il était question de l'hôtel de Paris où ont été rassemblés les déportés qui étaient sortis des camps de concentration. Selon Assouline « quand on met en scène de véritables personnages, on ne peut pas leur faire dire n'importe quoi ». Il ajoute : « Le parti pris du livre d'Haenel, qui change de registre d'écriture, rend l'entreprise ambiguë ».
Lanzmann est encore plus tranché : « Les scènes qu'il imagine, les paroles et pensées qu'il prête à des personnages historiques réels et à Karski lui-même sont si éloignées de toute vérité [...] qu'on reste stupéfait devant un tel culot idéologique, une telle désinvolture ».
Marie Darrieussecq se range, elle, du côté de Haenel et constate peut-être pour expliquer cette polémique : « En ce moment, il y a haro sur la fiction, l'époque a besoin de véracité ». Un éditeur interrogé par l'AFP, avance sans trop rentrer dans la polémique : « Un romancier a toute liberté sur ce qu'il écrit. Les jeunes auteurs comme Littel ou Haenel ont une autre vision des choses. Ils réinterprètent ».
Le débat reste ouvert...