Trois propositions et puis s’en va. Le gouvernement ouvre la chasse aux fonctionnaires. A l’inverse du discours de Périgueux de 2006 où le candidat Sarkozy avait caressé les fonctionnaires dans le sens du poil, le président de la république tente de retrouver une popularité à droite en s’attaquant aux piliers de la fonction publique. Deux coups de boutoirs viennent ainsi de résonner. Un décret tout d’abord qui prévoit la mise en disponibilité d’un fonctionnaire s’il refuse trois offres d’emploi. La remise en cause également du calcul de la retraite des fonctionnaires sur leurs six derniers mois de service.Il est loin le discours de Nicolas Sarkozy du 6 octobre 2006 à Périgueux dans lequel, il déclarait (cf vidéo) : “chercher à opposer les salariés du secteur public et du secteur privé est dangereux. Chercher à faire des fonctionnaires les boucs émissaires de la faillite des politiques dont ils ne sont en rien responsables est indigne. Chercher à faire passer les fonctionnaires pour des privilégiés est injuste“.
La hache de guerre a été depuis déterrée. Un projet de loi sera présenté le 11 février au Conseil supérieur de la Fonction publique. Il prévoit qu’un fonctionnaire dont l’emploi a vocation à être supprimé doit être réorienté professionnellement. La grande nouveauté c’est que s’il refuse successivement trois affectations, il sera mis en disponibilité - sans travail, ni salaire, ni droits aux indemnités - ou en retraite d’office. Une fois en disponibilité, l’agent qui refuserait à nouveau trois postes en vue de sa réintégration sera considéré comme «démissionnaire» et pourra être licencié.
La Fédération Syndicale Unitaire (FSU), majoritaire dans la fonction publique par la voix de Gérard Aschieri dénonce “une boîte à outils pour tailler dans les effectifs“. La CGT évoque “une loi facilitant les licenciements“.Au sein du gouvernement, Eric Woerth, qui ne lâche pas le président d’une semelle dans l’espoir d’une promotion lors du prochain remaniement ministériel, justifie la mesure de la façon la plus nette : “Si la personne refuse, c’est qu’au fond elle n’a plus envie de travailler dans l’administration. Il n’y a pas de raison que l’administration continue à ce moment-là à la payer“.
”Pas envie de travailler” : le message subliminal envoyé par le ministre des comptes publics est des plus limpides. Il s’inscrit dans une vision de la fonction publique qui considère cette dernière comme un boulet attaché à la puissance publique. Etrange vision d’un gouvernement qui prend du plaisir à multiplier les amputations au niveau des mains et des bras de la puissance publique à défaut de pouvoir procéder à visage découvert au démantèlement du statut de la fonction publique.
Avec Nicolas Sarkozy, le fonctionnaire est devenu l’ennemi public numéro un des comptes publics. Ces deux nouvelles annonces s’inscrivent logiquement dans la droite ligne de la règle du non remplacement d’un départ sur deux. Le gouvernement prévoit ainsi pour cette seule année la suppression de 33.749 postes de fonctionnaires.
Tout naturellement, à droite, on applaudit. C’était bien le but de la manœuvre. Reprendre la main par le clivage. Rarement un président de la république censé être le garant de l’unité nationale n’aura autant divisé pour mieux régner.
Yves Thréard, éditorialiste au Figaro, boit du petit lait en constatant que “l’emploi ne sera plus garanti dans la fonction publique. C’est une révolution qu’il faut encourager dans notre pays où salariés du public et ceux du privé ne sont pas sur un pied d’égalité. Il faut mettre un terme à cette anomalie très française, qui nuit à l’unité nationale“. Unité ou uniformité ? Le rouleau compresseur Sarkozy continue à vouloir condamner la France à faire son grand bond en arrière par des réformes au goût amer de recul social.
Les mots du journaliste sont révélateurs de la radicalisation de la pensée sarkozyste. Yves Thréard sur son blog se lâche quand il évoque le “quasi-apartheid” que constitue la cohabitation des secteurs publics et privés. La bave à la plume Yves Thréard tout revigoré par l’audace de l’exécutif écrit : “D’un côté les fonctionnaires, avec leur propre traitement salarial (garantie de l’emploi et autres avantages acquis), leur propre régime de retraite (encore très avantageux même si l’allongement de l’âge légal est désormais le même pour tous), et leur propre droit (ils relèvent du droit administratif, et non du droit commun comme dans n’importe quelle grande démocratie). De l’autre, des salariés du privé qui payent souvent les pots cassés de la défense à tout crin d’un système inique !“
Voici donc venu le temps de la revanche si longtemps attendue de cette frange de la droite au parcours historique cahoteux qui a toujours honni l’Etat. Du pain béni pour revigorer la gauche certes mais aussi, un appel d’air pour la droite étatiste gaulliste qui s’est trouvée dernièrement un nouveau champion en la personne de Dominique de Villepin. Attention monsieur le président à la réforme de trop. A cette goutte qui fait déborder le vase.