Il y a deux mois environ, Florent Girou m'avait contacté pour savoir si je serais intéressé de collaborer pour un domaine italien dont il est le responsable : Tenuta la Novella (dont j'ai eu le bonheur de déguster les vins lors des primeurs 2007 de "l'écurie Derenoncourt" : super !). Je le "connaissais" aussi un petit peu car j'avais assisté à la projection de son film les voix du terroir que j'avais trouvé passionnant. Nous avions mangé ensemble dans un restaurant bergeracois très sympa, puis à la maison. Ca aurait été un emploi à plein temps, j'aurais foncé de suite en Toscane, mais il s'agissait plutôt d'un consulting sur une communication internet du domaine sur les accords met & vins, des recettes, etc... Je n'ai pas dit non à sa proposition, et il n'est pas exclu que je fasse un jour un tour au domaine...
Tout ça pour en venir à ma soirée de la semaine dernière. En fait, lorsqu'il n'est pas en Toscane, Florent vit à Bergerac où il s'occupe du domaine familial. Il avait invité quelques amis et m'avait proposé de me joindre à eux. Chacun devait amener un vin et un plat. J'ai donc amené mes rigatoni farcis :
Je suis arrivé dans les premiers, ce qui a permis de discuter avec Florent mais zossi de démarrer ma mission de consulting en goûtant la purée de fruits qui devaient accompagner le canard. Je lui ai fait ajouter une pincée de curry qui lui a donné beaucoup plus de peps tout en restant discret.
La chouette surprise de la soirée, c'est qu'un ami commun était là : Vincent Bache-Gabrielsen. Comment ? Vous ne savez qui c'est ? J'en ai pourtant parlé ICI (l'occasion pour ceux qui ne l'auraient pas lu de découvrir Belle-Vue, Gironville et Bolaire). Du coup, je me suis senti moins isolé car je ne connaissais personne d'autres (mais ils étaient tous adorables, hein).
Histoire de faire arriver les derniers invités, on a commencé à attaquer les toasts au saumon : cinq minutes plus tard, ils étaient là ;o) Le vin servi avait un nez qui rappelait un peu le cidre par ses odeurs de pomme (quand j'ai su ce que c'était, j'ai compris pourquoi). En bouche, il est légèrement effervescent, mais pas franchement violent. C'est même plutôt plat. L'acidité donne un peu de nerf à l'ensemble, mais c'est pas vraiment ça. La personne qui l'a amené me dit qu'il ne ressemble pas à ça d'habitude. Je veux bien la croire, car le producteur n'en vendrait pas beaucoup... Lorsque la bouteille est découverte, je suis un peu surpris : c'est le Mauzac Nature de Robert Plageoles. Il y a effectivement un souci. Problème d'obturation du bouchon?
Vient ensuite le vin que j'ai amené : la cuvée Saint Martin 2007 du Château Saint Martin de la Garrigue. Je défie les dégustateurs de trouver l'encépagement (il n'y a que CINQ cépages à trouver : marsanne, roussanne, grenache blanc, picpoul et terret-bourret). C'est pourtant facile : la couleur dorée et le nez d'abricot, c'est la roussanne. Le nez de poire, la marsanne. Le gras et la générosité, le grenache. La vivacité, le picpoul. Et le terret ? va pour la minéralité. C'est fou ce que c'est facile à reconnaître lorsqu'on le sait déjà ;o) Mes rigatoni farcis, c'est un peu la même recherche : tout le monde trouve ça très bon, mais que diable a-t-il pu mettre là-dedans ? Ben, il y a de la sardine, de la tomate séchée, du citron confit, de la roquette, du basilic, de l'olive noire, des pignons grillés ... et de l'anchois. Je crois que c'est tout ;o)
Il nous est servi ensuite une crêpe de sarrasin. Mais quelle crêpe ! D'un côté une matière douce, fondante, presque sucrée qu'une convive suppose - avec raison - être du topinambour. De l'autre, une viande au goût indompté, très goûteuse qui rendrait accro un végétarien (du cochon noir confit). Le mélange est vraiment détonnant, renouvelant à sa façon l'histoire de la belle et de la bête.
Le vin qui l'accompagne est plus sur le registre canaille que gastro. Une robe pourpre opaque. Un nez sur les fruits noirs sauvages (prunelle) légèrement poivrés. Une bouche pulpeuse, gourmande, avec des tannins tout de même rustique en final. Vu son pedigree, ce n'est pas plus surprenant que ça : c'est un côteaux du Vendômois "Cuvée Benjamin" 2008 du domaine des fours à chaux. Le pineau d'Aunis est rarement un cépage qui fait dans la tutelle.
Le suivant est d'un accès moins déroutant : des fruits rouges et noirs, quelques épices, une touche florale. Une bouche ronde, pleine, fruitée, très agréable, et sans dureté. On reste en Loire, mais plus au sud : la cuvée Cinabre 2007 du domaine de la Garrelière (minute culturelle : le cinabre est un minéral autrefois utilisé comme pigment pour les fresques ou les vêtements - dont le pourpre impérial. En peinture, il donnait la couleur vermillon. Si François Plouzeau a donné le nom à cette cuvée, c'est que les argiles ferriques de sa parcelle font penser au cinabre. On comprend mieux l'étiquette...)
La quiche qui accompagnait ce vin ne faisait pas vraiment un accord parfait ;o) Mais bon, en faisant une petite pause entre gorgée et bouchée, c'était pas si mal que ça.
Nous en arrivons au plat concocté par Florent : du filet de canard mariné aux quatre épices, passé au grill en gardant la chair bien rosée, puis juste posé sur du pain toasté nappé d'une purée de pommes et ananas au curry (ouf!). Il faut bien sûr croquer les 3 composants en même temps pour apprécier la complémentarité des textures et des saveurs.
J'ai goûté le vin d'accompagnement lorsque je suis arrivé, et je l'avais trouvé très bon et parfaitement adapté au plat : fruits bien mûrs, beaucoup d'épices, bouche douce et sensuelle. Après plus d'une heure de carafe, il a profondément changé, et je déchante un peu. Les tannins se sont durcis, l'aromatique a perdu de sa finesse. Assez moyen pour tout dire. Toujours délicat, l'aération... Dommage pour cette Syrare 2004 du domaine Galletty (côtes du Vivarais).
Le vin qui suivit fut sans aucun doute le vin qui m'a le plus surpris de la soirée : un nez de crème de mûre et myrtille, des fines épices, un léger grillé. Une bouche mûre, dense, sensuelle avec une très légère sucrosité en finale, pas plus dérangeante que ça. Je pars en Argentine ou en Australie. Pas du tout : c'est un vin produit à quelques kilomètres de notre lieu de dégustation. C'est le côtes de Bergerac "Baccarat" 2003 du château Panisseau.
Du coup, le très beau vin amené par Vincent paraissait étriqué, tristoune, et ne m'a procuré que peu de plaisir. Pourtant, j'ai plutôt un faible pour le côte rôtie de Jamet et les 2006 m'avaient semblé plutôt ouvert dans la région. A revoir, donc.
Je me remonte vite le moral avec la deuxième belle surprise de la soirée : un nez frétillant et fruité (plutôt cassis), une touche d'épices. Une bouche pétante de fruit, juteuse, gourmande, avec de la fraîcheur à revendre. Vindiou que c'est bon ! Pas vraiment surpris que ce soit un Loire, par contre, je ne savais pas 2007 aussi gourmand. C'est un Saumur Champigny d'Antoine Sanzay. Bravo !
Ces vins accompagnaient le fromage (Sainte-Maure, Tomme). Je ne vous montrerai pas la photo : j'ai trop la honte (toute floue, mal éclairée...). Je vous mets la tarte aux fruits qui a suivi : elle est mieux réussie !
Bon, après on est passé à du "lourd". Vincent avait amené deux bouteilles de la maison de Cognac familiale : une grande champagne 100% folle blanche et un Borderies 1995. Je crois me rappeler que j'ai nettement préféré la seconde, très fine, sans impression de chaleur, avec des arômes de fruits secs et d'épices.
A un moment, il a bien fallu que la soirée se terminent, car la plupart bossaient le lendemain (enfin façon de parler : on était DEJA le lendemain...). Embrassades et poignées se sont multipliées en l' espace de quelques minutes. Une fois dans la rue, j'ai ressorti mon appareil (photo : je n'étais pas bourré à ce point). Et j'ai photographié les rue des Bergerac by night. Drès choli !
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