Responsabilité en raison de la délivrance d'un certificat d'urbanisme déclarant le terrain inconstructible

Publié le 03 février 2010 par Christophe Buffet

À travers cet arrêt du conseil d'État :

"Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 février 1982 et 11 juin 1982 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme X..., demeurant ... à Paris 75000 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

1° annule le jugement en date du 26 novembre 1981 par lequel le tribunal administratif de Versailles a d'une part limité à 100 000 F le montant de l'indemnité que doit lui verser l'Etat en raison en premier lieu des refus successifs qui ont été opposés depuis 1962 par l'administration aux demandes de la requérante tendant à être autorisée à construire sur un terrain lui appartenant et sis à Plessis-Bouchard Val-d'Oise des ensembles immobiliers et en second lieu de la délivrance de notes de renseignements et de certificats d'urbanisme ayant fait à tort état de l'inconstructibilité dudit terrain, d'autre part dit Mme X... non fondée dans ses conclusions tendant à l'annulation du refus du préfet du Val-d'Oise de procéder tant au retrait de son arrêté du 11 octobre 1979 rendant public le plan d'occupation des sols du Plessis-Bouchard qu'à l'expropriation de ce terrain rendu inutilisable depuis plus de vingt ans du fait des agissements de l'administration ;

2° condamne d'Etat à lui verser la somme de 5 298 000 F, sauf à parfaire, en réparation des préjudices subis ;

3° annule les refus d'accord préalable et de permis de construire ainsi que les refus de retrait de l'arrêté préfectoral du 11 octobre 1979 rendant public le plan d'occupation des sols du Plessis-Bouchard ainsi que le refus de prononcer l'expropriation du terrain lui appartenant, subsidiairement désigne un expert ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Honorat, Auditeur,

- les observations de la S.C.P. Waquet, avocat de Mme X... et de Me Choucroy, avocat de la commune de Plessis-Bouchard,

- les conclusions de M. Van Ruymbeke, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre le jugement du 26 novembre 1981 :

Sur le rejet de différentes demandes d'annulation :

Considérant en premier lieu, que, si Mme X... a mentionné dès le 21 août 1973, à l'appui de sa demande d'indemnité adressée au tribunal administratif de Versailles, le certificat d'urbanisme du 19 juin 1973, elle n'a demandé l'annulation de ce document dont elle a eu connaissance au plus tard le 21 août 1973, que le 3 mars 1978 ; qu'une telle demande était tardive et par suite irrecevable ;

Considérant en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 11 octobre 1979 par lequel le préfet du Val d'Oise a rendu public le plan d'occupation des sols de Plessis-Boucard soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il classe le terrain de Mme X... en zone non constructible ; que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant enfin que la demande de Mme X... ayant pour objet d'enjoindre à la commune de Plessis-Bouchard d'exproprier son terrain était irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes dirigées contre le certificat d'urbanisme du 19 juillet 1973, contre le refus de retrait de l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 11 octobre 1979 et contre le refus de prononcer l'expropriation de son terrain ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a délivré à Mme X... les 8 juin 1976 et 10 mai 1977 des certificats d'urbanisme qui déclaraient inconstructible le terrain de 12 000 m2 qu'elle possède sur le territoire de la commune de Plessis-Bouchard et qui ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 4 avril 1979 devenu définitif ; qu'elle a également pris des positions ou fourni des renseignements qui, en l'état des documents d'urbanisme, faisaient à tort, apparaître le terrain dont s'agit comme étant inconstructible ; que les fautes ainsi commises engagent la responsabilité de l'Etat à l'égard de Mme X... ; que dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice que ces fautes ont causé à l'intéressée, notamment en l'empêchant de donner suite à des offres sérieuses d'achat de son terrain pour un montant largement supérieur à l'offre de 1 138 400 F faite en 1976 par l'administration elle-même, en portant de 100 000 à 500 000 F l'indemnité que l'Etat a été condamné par le jugement attaqué à verser à Mme X... ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 11 février 1982 et 10 mars 1983 ; qu'à la première de ces dates il n'était pas dû une année d'intérêts depuis la dernière capitalisation ordonnée par le tribunal administratif ; qu'une année était par contre due à la 2ème de ces dates ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la deuxième de ces demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des refus d'accord préalable et de permis de construire :

Considérant que si, dans ses mémoires de première instance, Mme X... a mentionné à plusieurs reprises, à l'appui de sa demande d'indemnité, les décisions préfectorales de refus d'accord préalable et de permis de construire, elle n'a pas demandé aux premiers juges l'annulation de ces décisions ; qu'elle n'est pas recevable à le faire pour la première fois en appel ;
Article ler : La somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme X... par le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 26 novembre 1981 est portée à 500 000 F. Les intérêts échus le 10 mars 1983 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme X..., à la commune de Plessis-Bouchard et au ministre de l'équipement, du logement, de l'aménagement du territoire et des transports"