Chambara de Eiichi Kudo, Le Grand Attentat / Dai Satsujin (1964) met en scène la rébellion de samouraïs qui désirent ébranler le pouvoir en place.
Jinbo voit sa vie basculer le jour où un ami, recherché par le gouvernement trouve refuge chez lui. La police intervient et les deux hommes sont emmenés, la femme de Jinbo est tuée dans le désordre de l’arrestation. Jinbo parvient alors à s’échapper et fait la rencontre de Hira, un rônin sans le sou. Les complices de l’ami de Jinbo retrouvent ce dernier et lui propose de venger la mort de sa femme en épousant leur cause…
Le Grand Attentat ne respire sans doute pas le talent d’une œuvre mise en scène par le cinéaste Akira Kurosawa mais cette œuvre d’Eiichi Kudo n’en garde pas moins une maîtrise et une expression stylistique qui marquent. Eiichi Kudo réalise une œuvre qui sait tenir son spectateur en haleine. Le cinéaste japonais y parvient notamment avec une exposition qui nous met dans le bain dès les premières images. Une vie de couple tranquille se voit chambouler par l’arrivée d’un agent perturbateur qui emmène avec lui le chaos. Un contraste d’autant plus saisissant que l’entrée en scène de la police s’opère avec une caméra portée, plongée dans le feu de l’action. Poursuite d’une pièce à l’autre, catana dégainé et autre alpagages jusqu’à l’acte qui entraînera notre protagoniste sur le chemin d’un condamné.
Ce chambara qu’est Le Grand Attentat sait aussi être plus classique durant son développement où les intrigues prennent le pas sur l’action. La police enquête et tente de répondre à une hiérarchie qui s’inquiète des félons qui pullulent en rêvant d’une nouvelle ère. Eiichi Kudo calme le jeu et prend le temps de travailler ses cadres, approfondir ses personnages avec toutes les dualités qui les habitent. Il explique la cause qui les motive et sait être à la fois attrayant par la mise en place de sa narration mais aussi claire sur une situation qui oppose des factions antagonistes. Il explique deux mondes, celui du pouvoir et de la police qui torture et tue impunément pour anéantir l’autre monde, celui de samouraïs révoltés de leur condition, des samouraïs pauvres assujettis comme le reste de la population à un nouvel impôt agraire.
Comme il avait su l’entamer avec fracas, Eiichi Kudo ponctue Le Grand Attentat par un dénouement des plus chaotique qui soit. Nos révoltés vont au bout de leur motivation et fomentent un assassinat. Tout y est minutieusement préparé pourtant c’est dans le désordre que les choses se font. L’attaque filmée à nouveau avec une caméra portée se lance dans le marasme de corps au catana prêt à servir. Un bruit de lame qui claque, de corps en mouvement et de cris se mélangent en un marasme obscur où les révoltés à bout de souffle vont jusqu’au bout du sacrifice. Un attentat où tous se savent condamnés qui se réalise dans la campagne japonaise jusque dans un village lequel devient alors un énorme piège à rat à ciel ouvert. Sur la terre ferme et dans l’eau, les combats font rage jusqu’à la ponctuation lugubre.
Le Grand Attentat d’Eiichi Kudo marquera par son exposition et son dénouement à fleur de peau dans lesquels on se perd dans un brouhaha de son et d’action comme si nous étions au milieu des belligérants de cette cause perdue. Le cinéaste nippon parvient également à raconter avec force des portraits d’homme et de femme qui sont prêt à tout les sacrifices pour atteindre leur but mais aussi les aspects les plus sombres comme les trahisons ou bien la lâcheté. Un portrait noir d’une révolte qui parvient à contaminer même les plus désenchantés et inactifs à l’image du personnage de Haru, lequel retrouve une véritable condition de samouraï droit et juste. Une fin monumentale.
I.D.