(De Casablanca) Mercredi 27 janvier, en plein bouclage, Le Journal hebdo, publication pionnière et icône de la liberté de la presse marocaine, a été fermé de force pour « liquidation judiciaire », sur ordre du tribunal de commerce.
Débarquement d’huissiers, changement des serrures, mise sous scellés des locaux. A première vue, pour une raison légale : Le Journal hebdomadaire croulait sous des dettes de plus de 450 000 euros envers la sécurité sociale marocaine (CNSS) et la direction des impôts.
Mais pour Aboubakr Jamaï, co-fondateur (à 29 ans et sans expérience journalistique) du Journal hebdo en 1997 et son directeur de publication jusqu’en 2007, ces problèmes financiers ne viennent pas de nulle part :
« Entre les procès à la chaîne et la stratégie concertée de boycott des annonceurs qui nous a fait perdre 80% de nos recettes publicitaires, les autorités ont tout fait pour acculer Le Journal à l’asphyxie financière. »
Ali Anouzla, directeur du quotidien arabophone indépendant Al Jarida Al Aoula (récemment condamné à un an de prison avec sursis pour une enquête sur la santé du roi), partage ce sentiment :
« C’est une décision politique pour exécuter Le Journal. De nombreuses entreprises de presse sont endettées auprès de la sécu et des impôts, sans parler de l’État lui-même ».
Ultime manœuvre venue d’en-haut pour porter le coup de grâce à un hebdo sans concession qui, depuis douze ans et trois mois, ne laissait pas le pouvoir dormir tranquille. Si de nombreux médias indépendants sont nés dans le sillon du « Journal » (son nom initial et diminutif actuel), « c’était celui qui allait le plus loin », témoigne Kawtar Bencheikh, membre de la rédaction depuis 2006.
http://www.rue89.com/2010/02/01/le-journal-le-plus-independant-du-maroc-pousse-a-la-fermeture-136442