Allié traditionnel des Etats-Unis, le Japon a largement remis en cause ce partenariat stratégique depuis la victoire aux élections législatives du Parti Démocrate du Japon (PDJ).
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le Japon délègue aux Etats-Unis une partie des décisions en matière de politique étrangère. Inscrite dans le programme politique du PDJ,la remise en cause de la tutelle américaine sur la politique étrangère japonaise est d’abord symbolique. Au lendemain des élections, le nouveau premier ministre japonais Hatoyama affirmait dans une tribune du New York Times : « Le modèle américain a été battu en brèchepar la guerre en Irak et par la crise financière. » Il soulignait également sa volonté de rééquilibrer les relations américano-japonaises qui sont perçuesau Japon comme des rapports de soumission injustifiés.
Depuis son arrivée au pouvoir en septembre, le gouvernement de centre-gauche de M. Hatoyama réexamine un accord signé en 2006 entre Washington et le gouvernement japonais, alors dirigé par la droite, qui prévoit notamment le déménagement de la base aérienne américaine de Futenma, située au cœur d'une zone urbaine d'Okinawa, vers une zone côtière moins peuplée de l'île. Le gouvernement étudie depuis la possibilité de déplacer cette base hors d'Okinawa, où sont stationnés plus de la moitié des 47.000 soldats américains présents au Japon, afin d'alléger le poids pesant sur cette petite île. L'administration américaine a sommé Tokyo d'appliquer l'accord de 2006 comme prévu, mais le gouvernement nippon a prévenu qu'il ne rendrait pas sa décision avant mai. En vertu de l’accord conclu en 2006, une partie des troupes américaines devrait être relocalisée dans une autre installation sur l’île d’Okinawa et l’autre partie devrait être redéployée vers l’île américaine de Guam. Le coût de ce déménagement est évalué à 26 milliards de dollars.
Par ailleurs, le Japon a mis fin depuis janvier aux missions effectuées depuis 8 ans dans l’océan indien afin de ravitaillerles forces de la coalition en Afghanistan.
Au-delà de ces accords, la volonté de Tokyo de modifier ses rapports avec son voisin et géant mondial, la Chine, concoure à un véritable changement de stratégie de puissance du Japon. En effet, l’émancipation du Japon des Etats-Unis se symbolise par la volonté de démilitariser sa politique chinoise au profit d’une politique de coopération.
Dans un cadre régional asiatique qui apparaît de plus en plus comme le centre névralgique de l’économie mondiale, le Japon souhaite tirer profit des opportunités offerte par larégion qui résiste le mieux à la crise financière mondiale. A l’aulne de ces considérations on ne s’étonnera pas de la proposition japonaise émiselors du sommet de l’ASEAN, le 26 octobre dernier, d’établir une Communauté économique de l’Asie orientale. Celle-ci regrouperait au moins seize pays de la région et serait articulée autour de la Chine etdu Japon et exclurait les Etats-Unis.
Quelque soit la probabilité de voir ce projet aboutir compte tenu des nombreuses réticences régionales et américaines, cette initiative, tout comme la remise en cause d’accords militaires, constitue la volonté pour le Japon de se débarrasser de son statut de vassal. Il symbolise également l’incapacité des Etats-Unis de repenser leur stratégie vis-à-vis du Japon : embourbésdans les conflits afghan et irakien, divisés au sein du gouvernement Obama pour savoir qui du Pentagone ou du département d’Etat récupérera le dossier japonais ; plus que jamais la dispersion des forces américaines sur le front militaire les accule à des écueils diplomatiques.
Myriam Serdouh
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