Retour sur la "petite phrase" de Georges Frêche et quelques précisions utiles.
Dans son site "Arrêt sur image", Daniel Schneidermann est visiblement un homme à chercher la petite bête. Et finalement, ce n’est pas plus mal pour être bien informé. Toujours soupçonneux face à des "buzz", le journaliste a en effet voulu mieux comprendre, ces deux derniers jours, l’origine de la dernière "affaire Frêche" qui n’aurait jamais dû en être une. Je ne reviens pas sur le fond : il paraît assez insensé de prendre la petite phrase du président sortant du Conseil régional du Languedoc-Roussillon comme une attaque antisémite contre Laurent Fabius qui l’avait, deux jours auparavant, provoqué. Parler de « tronche pas catholique », certes, ce n’est pas une déclaration d’amour, mais cela ne peut pas vraiment être taxé d’antisémitisme d’autant plus que ces mots ont été adressés à un catholique vaguement agnostique dont les parents se sont convertis. C’est une expression que j’ai déjà entendue à de nombreuses occasions sans lien avec son sens propre et religieux et il est bien possible que je l’eusse également prononcée dans ma jeunesse au même titre que j’ai dû aussi utiliser l’expression "pas très orthodoxe". Cette phrase aurait dû être contestée non pour son inexistant antisémitisme mais surtout pour son impolitesse et sa malveillance. En gros, il ne s’agit pas de religion mais plutôt de "délit de sale gueule". Bref, la tête de Laurent Fabius ne lui revient pas parce que ce doit être réciproque. Bonjour le niveau de l’argumentation politique. Vive le débat électoral ! Je ne reviens pas non plus sur l’extraordinaire division du Parti socialiste, sur la bienveillance tacite de Ségolène Royal envers l’un de ses plus fermes soutiens (la fédération du PS de l’Hérault est très importante) ni sur la tentative de récupération de cette fédération par le siège national (en excluant éventuellement les indélicats). Je veux juste rappeler la citation exacte qu’on pourra retrouver dans l’enregistrement sonore mis en ligne par le site "Montpellier Journal" (à la retranscription très incertaine des formes conditionnelles, reprise sans aucune correction par des journalistes !), enregistrement cité par Rue89 dès le 28 janvier 2010. Voici la citation exacte de Georges Frêche : « Huchon, ça c’est du solide. Moi, je serais à Paris, je voterais Huchon. Si j’étais en Haute-Normandie, je ne sais pas si je voterais Fabius. Je m’interrogerais. Ce mec me pose problème. Il a une tronche pas catholique. ça ne fait rien mais peut-être que je voterais pour lui, mais j’y réfléchirais à deux fois. Notez là-haut, je vous fais une puce ! ». Il répondait donc à Laurent Fabius qui affirmait deux jours avant sur France 5 qu’il ne serait pas sûr de voter pour Georges Frêche s’il était électeur du Languedoc-Roussillon. Le contexte, c’était la réunion du conseil d’agglomération de Montpellier du 22 décembre 2009 qu’il a présidée. La maire de Montpellier, Hélène Mandroux, désormais tête de file des socialistes pour les élections régionales dans sa région après le retrait du soutien du PS à la candidature de Georges Frêche, y était bien entendu présente. Et, à l’époque, elle n’avait pas protesté contre de tels propos. Il y a parfois des réactions à retardement. La dernière phrase citée était adressée aux journalistes locaux. "Puce" fait référence à la rubrique "La puce à l’oreille" du "Midi Libre" et signifie une brève, un "confidentiel" comme en raffolent les médias. Ces petites indiscrétions qui pimentent la langue de bois prévisible du discours politique. Georges Frêche est un provocateur et donc, il aide de façon assez grossière les journalistes à faire parler de lui. Mais sans doute n’imaginait-il pas son procès en antisémitisme puisqu’il a dû écrire ensuite à Laurent Fabius un courrier en précisant que « l’expression que j’ai utilisée n’a pas de connotation religieuse » Dans un communiqué le 28 janvier 2010, il exprimait son étonnement : « Interrogé sur le non-soutien de Laurent Fabius à mon endroit, j’ai répondu par une expression populaire utilisée par tous les Français depuis des siècles. (…) [Ma phrase] exprime le manque de confiance que j’ai à son égard depuis le congrès de Rennes de 1990 et pas autre chose. (…) À Paris, se servir de mes propos, les déformer à dessein, devient la principale occupation de certains dirigeants en panne d’idées. C’est devenu un sport national que de taper sur Georges Frêche. Les habitants du Languedoc-Roussillon qui me connaissent savent combien cette caricature, qui vire à la chasse à l’homme, est dérisoire. Comme le dit le dicton populaire hérité de Voltaire : "Gardez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge". » L’origine de ce procès, c’est un article de "L’Express" du 27 janvier 2010 qui a su utiliser la "puce" et qui rappelait, après la citation incriminée, que « issu d’une famille juive, Laurent Fabius a été élevé dans la religion catholique. Il se définit aujourd’hui comme "agnostique" et "laïque dans l’âme", tout en reconnaissant : "L’opinion me considère comme juif. (…) Dès lors, je laisse dire, j’assume, et même je revendique". Sollicité par "L’Express", il n’a pas souhaité réagir aux propos de Georges Frêche. » Finalement, Laurent Fabius a réagi, bien après le début de la polémique, en confirmant faussement et tardivement que la petite phrase de Georges Frêche avait « bien évidemment un caractère antisémite »… Dans son éditorial du 1erfévrier 2010, Daniel Schneidermann se demandait pourquoi le PS a réagi de façon si disproportionnée pour cette petite phrase alors que Georges Frêche avait sorti des propos plus contestables dans le passé. Il se risquait à une interprétation peut-être fort pertinente : « Trop c’est trop. Pourquoi maintenant ? Sans trop de risque, je pressens que beaucoup d’entre vous tireront la conclusion suivante : "les harkis et les Noirs, passe encore, on a le droit de rire ; mais pas les Juifs, et surtout pas Fabius". Rien n’indique qu’ils aient tort. » Dans un tel contexte si dégradé de la vie politique, je ne vois qu’un seul parti capable de vraiment tirer son épingle du jeu en Languedoc-Roussillon… et c’est fort regrettable. Aussi sur le blog. Sylvain Rakotoarison (2 février 2010) Pour aller plus loin : La citation exacte de Georges Frêche (la bande son originale). Georges Frêche se défend. Un peu plus sur le Parti socialiste.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/rafrechissement-au-parti-69270
http://www.lepost.fr/article/2010/02/02/1920266_rafrechissement-au-parti-socialiste.html
http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-128
http://www.centpapiers.com/rafrechissement-au-parti-socialiste/11466/