Je suis à Nouaeil, village de
bergers du Sahara. Je suis en train de négocier cinq beaux dromadaires qui vont prendre la piste du désert pour rejoindre la montagne du Dahar. 8 jours de marche avec le berger. Les nomades ici
élèvent des troupeaux de chameaux, mais la crise a secoué la région et beaucoup de bêtes se retrouvent sans nourriture, parfois même sans eau. C'est incroyable...on est en Tunisie, mais certaines
régions sont vraiment isolées et souffrent de graves problèmes économiques. C'est le cas de cette région de Sabria. Les ressources ont très mal réparties. Certains s'enrichissent sans vergogne
sur le dos des plus démunis et maintiennent un monopole à coups de dinars...
Je vois ces pauvres bêtes attachées dans le sable, sans moyen de se nourrir, et cela fait vraiment pitié. Ils sont maigres et affamés, mais pourtant, dociles, ils restent là, à tendre le cou vers
nous, sans même une plainte...
Hier j'ai vu arriver le berger, un grand nomade en burnou rouge, la tête drapée dans son turban blanc, le grand bâton à la main...une image d'un autre temps, mais qui est ici chose habituelle. Je
me cachais dans la voiture sous mon voile et j'écoutais parlementer mon intermédiaire. Ils se sont mis d'accord pour la livraison du troupeau qui arrivera d'ici huit jours à Douiret. Le plus
jeune des animaux est presque blanc et très familier. Depuis trois jours je fais connaissance avec lui, il adore se faire gratter, caresser, je le nourris à la main, c'est une bête très
intelligente et douce. On l'a appelé Nejma. Il n'a que trois ans, et va encore grandir pendant trois autres années avant d'atteindre l'âge adulte.
Les 4 autres sont des très grandes bêtes, dont deux au pelage gris foncé qui ont belle allure mais très impressionnants. Je dois encore acheter les selles touaregs et leur équipement, une tente
nomade, ...et nous serons prêts pour l'aventure.
Il fait très froid ici. Le vent s'engouffre dans les maisons grandes ouvertes sur le Sahara. Ces populations récemment sédentarisées n'ont pas l'habitude du chauffage et vivent comme autrefois
sous la tente, avec le petit brasero de terre qui réchauffe à 30 cm autour :)
La nuit, je me pelotonne sous une pile de couvertures, tête couverte comme les bergers. Mais je ressens la fatigue due au froid et à un rythme de vie trop différent. Les femmes ici ne parlent pas
du tout le français, et moi, malgré mes efforts et mes rudiments de langue arabe, j'ai bien du mal à me faire comprendre...Alors on se sourit autour d'un verre de thé, les enfants se glissent
sans bruit autour de nous, yeux brillants et curieux et on écoute le temps qui passe.
Pour mon compte, cela est difficile car je suis très active et j'ai bien du mal à accepter les dessins au henné dans la main que les jeunes filles adorent poser avec des exclamations de
bonheur...Rester ainsi deux heures durant sans bouger, relève pour moi d'une épreuve extraordinaire ! Mais cela fait partie des coutumes...alors je m'adapte, en rêvant de mon retour dans la
montagne du Dahar où je jouis d'une liberté extraordinaire et d'un statut particulier dont les berbères m'ont revêtue et qui me permet d'agir comme bon me semble.
J'espère rentrer le plus vite possible en ma maison troglodyte et accueillir comme il se doit mon troupeau ! L'aventure va continuer avec de nouvelles expériences, tout est à apprendre, à
découvrir...et c'est cela qui me plait.