Le football… passion pour certains, objet de railleries pour d’autres, ce sport laisse rarement insensible. Mais plus que 22 acteurs sur un pré vert, le football est un vecteur social fort qui, au fil des années, a marqué l’histoire politique de différents pays.
De la guerre…
Lorsque l’on évoque Franco, le dictateur Espagnol, il est rare de mentionner sa participation dans la galvanisation de la haine qui caractérise les « Classico » Madrid – Barcelone. Pourtant, El Caudillo est sans doute l’un des principaux facteurs de l’animosité qu’éprouvent les supporters Barcelonais envers les supporters Madrilènes.
Dès le milieu des années 30, le FC Barcelone, figure de proue du Catalanisme, va être victime du Nationalisme exacerbé de celui qui n’est alors qu’un général d’armée. En exécutant Josep Sunyol (1936), Président du FC Barcelone, en détruisant le local de l’équipe (1938), en renommant le club en « Club de Fútbol Barcelona » et en transformant l’étendard Catalan (1940), Franco espère ainsi faire taire la protestation Catalane. En réalité, cette soudaine répression va faire du FC Barcelone le symbole de la résistance, avec l’apparition de cette phrase qui caractérise encore aujourd’hui le club Barcelonais : « Més que un club ».
Franco est alors confronté à la grogne de toute une région et va canaliser la colère qui émane de Catalogne autour de deux événements dans l’année : les matchs aller et retour entre le FC Barcelone et le Real Madrid. Le stade devient alors une arène où la Catalogne va pouvoir défier le Nationalisme. Et si, dans l’ensemble, ces matchs vont se dérouler sans heurt, certains d’entre eux resteront dans l’histoire du football. Comme celui de 1943, à Madrid, où la police Franquiste est intervenue en faveur du Real Madrid, en intimidant les joueurs du FC Barcelone dans les vestiaires durant la mi temps. A la pause, le score était de 0-1 en faveur des Catalans. A la fin du match, le Real avait passé 11 buts aux Barcelonais.
Autre époque, autre événement. Le 13 mai 1990, le Dynamo Zagreb (club Croate) alors emmené par la future star du Milan AC, Zvonimir Boban, reçoit le club de la Capitale, l’Etoile Rouge de Belgrade (club Serbe). Très vite, le match tourne à la bataille générale. Dans les tribunes, les supporters des deux camps s’invectivent et en viennent aux mains. Sur le terrain, les joueurs suivent le pas et les deux équipes s’affrontent à coups de poings. Ce match marque un nouveau tournant dans les tensions qui opposent les deux ethnies. C’est la première fois que les deux camps s’affrontent directement. Un an plus tard, presque jour pour jour, les premiers coups de feu sont tirés, la guerre civile éclate.
… à la paix.
Le football reflète bien les tensions sociales d’un pays, mais peut aussi être un vecteur de paix ou d’unification
Ainsi, comment ne pas évoquer l’Etat de grâce qui a déferlé en France, au lendemain de la victoire des Bleus en Coupe du Monde. Le pays est alors embourbé dans ce que le Président Chirac appellera « la fracture sociale ». La jeunesse banlieusarde est aux abois, en mal de reconnaissance. Le fossé se creuse entre « eux » et les « autres Français ». Une véritable crise identitaire va toucher la France. Pourtant, le pays va s’unifier en 1998 derrière l’équipe de France. La victoire finale, la photo de Zidane sur les Champs Elysée, le slogan « black-blanc-beurre » vont avoir des effets bénéfiques (sociaux et économiques) durant plus de 6 mois sur l’ensemble des Français. Le temps d’un exploit, la fracture sociale s’est refermée… avant de se rouvrir, une fois l’Etat de grâce passé.
Encore plus fort : en 2008, la Corée du Nord et la Corée du Sud ont mis de côté leurs divergences, le temps d’un match comptant pour les qualifications pour la Coupe du Monde 2010. Le résultat du match importe peu, l’essentiel était ailleurs. Imaginer les frères ennemis, réunis autour d’un même match, sans aucun accroc, alors que l’armistice entre les deux pays est fréquemment remise en question, voilà un exploit dont seul le football était capable.