Ou la voie royale vers les élections communales de 2011.
Ça y est, c’est parti, la campagne pour les élections communales vaudoises de 2011 a démarré en fanfare sur un sale petit air qui tient plus des compositions wagnériennes que des interprétations de Sandor Jaroka.
Après une déferlante d’interpellations, de postulats et de motions consacrés à la drogue, à la toxicomanie et aux toxicomanes, les élus du législatif lausannois ont trouvé un nouveau sujet de prédilection : la mendicité et les Rroms.
C’est l’UDC Claude-Alain Voiblet qui a dégainé le premier en octobre dernier en déposant un postulat demandant à la municipalité d’étudier un règlement interdisant la mendicité. Son argument de choc est simple, voire simpliste : ceux qui font preuve d’humanité seraient ceux qui chassent de nos rues ces personnes dans un grand état de délabrement sanitaire et pas ceux qui passent sans les voir ou en leur glissant une piécette.
La proposition du fer de lance de l’UDC vaudoise a été traitée en commission le jeudi 21 janvier et, depuis, chacun y va de ses petites idées pour apporter, aussi, de l’eau au moulin préélectoral de son parti.
C’est ainsi que l’on annonce un autre postulat co-signé par des élus verts, démocrates-chrétiens et libéraux-radicaux qui demande également l’interdiction de la mendicité pour, paraît-il, protéger les mendiants de la traite qu’ils pourraient subir de la part de réseaux organisés. C’est bien clair qu’en supprimant la seule source de revenu des mendiants et en les maintenant dans un état de pauvreté absolu, ils ne constitueront plus des cibles de choix, et, surtout, débarrasseront nos belles rues de leur indisposante présence.
Du coup, les Socialistes, paniqués à l’idée de se retrouver à la traîne sur ce dossier ô combien! important puisqu’il fait la une des journaux même s’il ne concerne qu’une trentaine de personnes, sont en train de se fendre d’une contre-proposition de postulat. Le texte socialiste, probablement un peu contaminé par la rhétorique de la droite de la droite lausannoise, se retrouve truffé de termes d’inspiration purement sécuritaire : mesures de signalement, d’encadrement et de coercition. Il paraît que cette dernière se pratique par la menace physique ou psychologique, tout un programme ! Et encore, on a échappé à «l’éradication» de la mendicité qui faisait sans doute trop tache dans la première version du texte. Ce à quoi on n’a en revanche pas échappé, c’est la définition pour le moins approximative de l’endonyme «Rrom» : «mineurs ressortissants de Roumanie (plus communément qualifiés de «Roms»).» Une définition qui en dit long sur le niveau de connaissance que l’on a de ce peuple à Lausanne.
À un peu plus d’un an des élections, l’UDC éternue une solution simpliste, humainement difficilement applicable, stigmatisante et qui rappelle de sales méthodes, en plongeant son grand nez dans un sujet éminemment complexe et tout le monde court derrière, histoire de ne pas louper le bon wagon du train électoral.
Cette profusion de démarches parlementaires qui toutes, peu ou prou, considèrent que la mendicité, des Rroms ou non, est un problème en soit, alors que le réel problème, est la pauvreté ne sent pas bien bon.
Et surtout, surtout ! Après sept cents ans de persécution, de mise à l’écart, de sédentarisation forcée, d’internement, d’exclusion, de stérilisation et d’extermination des Rroms, il semble que les élus lausannois ne soient pas sur le point de renverser le cours de l’histoire, au moins au niveau local.
À confronter la compassion dont font l’objet les victimes du séisme haïtien et le rejet des Rroms, on se rend compte que la misère est plus acceptable lorsqu’elle est loin de notre pas-de-porte.
- Crédit image : photo d’Yves Leresche empruntée sans mauvaise intention et parce qu’il connaît bien ceux qu’il photographie.