Jasmine Ng et Kelvin Tong signent Eating Air / Chi Feng (1999), une œuvre qui porte un intérêt sur des jeunes déscolarisés et l’amour de l’un d’eux pour une jeune fille qui vit seule avec sa mère, vendeuse de journaux.
On suit un jeune homme (Il) qui passe son temps à traîner avec ses amis. Il se couche tard, se lève tard, joue aux jeux vidéos sur les bandes d’arcades, tourne en moto dans les rues Singapouriennes tout réglant ses comptes à coup de poings. En deçà, une jeune femme (Elle) partage son temps entre l’école, son job dans une agence de photocopieuse et la vente de journaux le soir. Il et Elle se rencontrent et tombent amoureux l’un de l’autre…
Eating Air offre une plongée au sein d’une jeunesse désoeuvrée qui a perdue tout repère. On suit « Il », un jeune à qui il arrive de fantasmer la réalité dans laquelle il vit. Des fantasmes qui permettent aux deux cinéastes de nous offrir une exubérance visuelle dans une veine des films de kung-fu ou tout ce qui est attrait au manga et aux arts martiaux. Si le portrait des ces jeunes se veut sombre par leur situation, le fait qu’ils soient mis au ban de la société, ce portrait s’avère être tout aussi comique. Le film prête à sourire même rire. On se prend d’affection pour ses personnages, très bien interprétés par ailleurs. Ce que les acteurs parviennent à communiquer est leurs liens affectifs, leurs émotions dans les moments de détentes comme les moments plus tragiques.
Le constat d’Eating Air est sans appel. On y voit des jeunes gens délaissés par des parents trop occupés professionnellement ou trop occupées par leurs aventures amoureuses sans lendemain. Abandonnées à leur sort, ils errent, s’évadent au guidon de leurs deux roues. Ils se perdent dans des rixes et découvre l’amour. Le premier amour, les premiers regards et sourires, les premiers rapprochements physiques. Tout y est mis en scène avec tendresse et pudeur. Par malheur, la voie engagée par cette jeunesse est sans lendemain et la fatalité est bien trop présente pour qu’on vienne à l’oublier. Inexorablement, elle s’invite à des moments qu’on pensait salvateurs. Et ces jeunes découvrent avec effrois que l’argent facile amène plus dangereux et plus forts qu’eux.
Eating Air est une œuvre fraîche, à la fois drôle et tragique, sombre et belle. On se laisse immerger dans la vie de ces quatre amis et de « Elle » (petite amie) qui affrontent les à coups de la vie citadine. Le seul bémol serait sans doute ces interstices en bande dessinée superflue, n’apportant rien au film. A part ça, Eating Air reste une œuvre rythmée, à la fois par la réalisation et la musique qui apportent un certain peps à l’ensemble. Une œuvre qui ne laissera pas indifférente mais qui n’aura sans doute pas le même impact selon le rapport qu’on entretiendra avec ces protagonistes et leurs histoires.
I.D.