Olympe m’avait demandé sur Twitter comment se passait mon boulot et surtout comment on choisissait d’écarter tel ou tel post. J’y réponds maintenant suite à cette interview de Frédéric Mitterand.
(donc pour celles et ceux qui débarqueraient ici, je gère des communautés internet et donc entre autres, de la modération).
Commentons déjà le billet en question.
“Rappelons également que la notion d’anonymat n’existe pas vraiment sur Internet. Toute personne écrivant dans un blog, ou ailleurs d’ailleurs, peut être facilement identifiée après une demande à un juge qui forcera l’hébergeur à lui fournir la véritable identité de l’individu.”
Mise en situation. Suite à une affaire quelconque, vous avez environ 10 000 personnes (chiffre bas) qui ont une subite gastro dans les différents médias. Pensez-vous vraiment que la personne mise en accusation puisse sérier toutes les insultes, demander à tous les medias l’ip des posteurs et ensuite aller porter plainte avec son bottin d’ip ? (en partant du principe, évidemment, qu’on n’est pas face à une ip flottante).
On va prendre un cas simple ; Outreau. Les accusés d’Outreau ont été traînés dans la boue de toutes les manières. J’ai toujours 500 Zorro du net qui, à chaque affaire du genre, débarquent pour rouvrir Dachau (et cela n’est pas une image et je fais TRES SOFT). Pensez-vous vraiment que ces gens, déjà quelque peu éprouvés, vont aller lire la boue qui les concerne pour ensuite demander des comptes à la justice ?
“Dernier point, les bloggeurs ne sont pas des journalistes, mais de simples citoyens qui expriment un avis. S’il fallait les museler pour les empêcher de parler, nous basculerions alors d’une démocratie à un régime totalitaire.”
Il serait bon, parfois, avant de parler de démocratie ou de régime totalitaire, de comprendre de quoi l’on parle.
Non on ne peut exprimer son avis s’il est diffamatoire, porte atteinte à la personne ou incite à la haine. Et dire, sans la moindre preuve, sans un jugement qui le confirme qu’untel est pédophile est condamnable. Cela n’est pas nouveau et n’a pas commencé avec Internet. J’ai souvenir d’une discussion sur twitter où certains accusaient un candidat de télé réalité, parce qu’il avait un physique particulier, d’être sans doute un futur ou actuel violeur d’enfants. Liberté d’expression ?
Personne donc ne veut museler les blogueurs (on respire deux secondes). Mais dire “c’est un escroc” “c’est un nazi” “c’est un pédophile” est illégal, sauf décision de justice allant en ce sens. Il faut vous y faire.
Il y a même mieux - et si un juriste traine dans le coin, il me trouvera le terme juridique adéquat - imaginons quelqu’un, condamné par exemple pour escroquerie. Il intervient dans un journal sur le port du pull rouge en zone urbaine. Certains posteurs rappellent sa condamnation antérieure pour souligner que son avis n’a donc aucun intérêt. Il PEUT y avoir condamnation au motif qu’on nuit à son image.
La loi s’applique qu’on soit sur Internet ou pas. En vrac (et j’en oublie sûrement) : racisme, antisémitisme, négationnisme, diffamation, incitation à la prise de stupéfiants, incitation à des actions illégales.
Comment juge-t-on qu’un post répond à ces critères ? Croyez moi l’internaute est assez peu surprenant. En matière de racisme et d’antisémitisme, par exemple, on les voit facilement sans rien avoir à interpréter.
Je suis toujours passablement surprise de ces braillements de vierge effarouchée face à la liberté d’expression.
Je n’ai entendu personne défendre le droit à la liberté d’expression des gens braillant “les pd au bûcher” il y a quelques années. j’en ai vu peu évoquer le droit à la liberté d’expression de Le Pen et Frèche. Non, parce qu’il était bien clair pour tout le monde - ou presque - qu’il y avait eu propos dépassant le cadre de la liberté d’expression.
Et donc, parce que vous seriez M. et Mme Michu, vous auriez droit, vous à de tels débordements ? Parce que vous êtes des citoyens lambda, de droite ou de gauche, cela vous autoriserait, au principe de la liberté d’expression, de diffamer, insulter ?
Mitterand - que je ne défends pas au passage, je le trouve hystérique et très peu informé sur la question - ne parle pas de loi. Il demande à ce qu’on éduque. Lorsqu’on lit ceci, pensez vous vraiment qu’on a juste affaire à l’avis de braves citoyens qui font juste qu’à donner leur avis qu’on est pas en Russie, ma bonne dame ?
Sur l’anonymat. L’immense majorité des internautes se croient réellement anonymes. Pour eux, il n’y a rien de commun à éructer en plein milieu des Champs-Elysées et sur le net, même si c’est strictement comparable. Leur sensation d’être anonymes les pousse donc à dire tout et n’importe quoi, en permanence.
Donc, rassurez-vous, personne ne demande aux blogueurs de réfréner leurs immenses élans créatifs et leur quête éperdue de recherche de la vérité. Mitterand souhaiterait juste, maladroitement certes, que la loi en vigueur en France s’applique aussi sur le net. Ca n’a rien d’une demande fascisante.