Roger Federer au sommet de son Art !

Publié le 31 janvier 2010 par Stephanebigeard
En décrochant son seizième titre majeur aujourd'hui à Melbourne face à Andy Murray (6-3, 6-4, 7-6 [11]), Roger Federer a mis un point final à un tournoi maîtrisé de bout en bout.
On ne s'est pas lassé de le regarder jouer.
Il a tout.
Mais c'est son calme et sa sérénité qui a été le frappant.

Voici ce qu'il dit, après son match, en conférence de presse.
Cet interview, est un magnifique débriefing, qui montre une analyse tellement fine de son match.
Sa plus grande force, c'est qu'il se connaît parfaitement... ce qui lui donne une parfaite maîtrise de son jeu, et une immense confiance en lui.

Roger, vous vous êtes engagé dans une véritable guerre psychologique en déclarant après votre demi-finale qu’Andy Murray avait la pression sachant qu’aucun Britannique n’avait gagné en Grand Chelem depuis 150 000 ans (sourire)…
Roger Federer : J’ai un peu exagéré.
Mais vous savez, lors de l’interview d’après-match sur le court, je ne prends pas les choses au sérieux.
Après, c’est vrai qu’il n’est jamais évident de remporter son premier tournoi du Grand Chelem.
Maintenant, le jeu d’Andy est tellement bon que je suis convaincu qu’il va en gagner un.
Il a vraiment bien joué ce soir, les conditions étaient difficiles.
Je pense avoir fait un super match.
Et j’ai vraiment du jouer mon meilleur tennis ce soir pour m’en sortir.
Mais il faut un vainqueur, et je suis heureux que ce soit moi.

Tout était une question de stratégie ?
Roger Federer : Andy est vraiment extrêmement patient depuis sa ligne de fond.
C’est ce qui fait de lui un si bon joueur.
Il ne loupe quasi rien, est très dangereux, reste très calme et peut varier ses coups énormément, c’est ce qui explique qu’il soit aussi difficile à jouer.
Le 1er set était très intéressant, tant du point de vue mental que physique.
Il a joué avec une intensité incroyable.
Ce 1er set aurait d’ailleurs très bien pu se terminer différemment…
L’entame de match était capitale. Quelqu’un devait gagner ce set.
Heureusement, ça a été moi… Je pense avoir bien frappé la balle.
Et ça, je l’ai senti dès le départ.
J’ai toujours su que ce serait un match très intense vous savez…
Je suis content d’avoir joué si agressif, et d’avoir été, en même temps, si patient.
C’est comme ça qu’il faut être face à lui.
Auriez-vous gardé confiance si vous aviez perdu le 3e set ?
Roger Federer : Cela aurait été très intéressant de voir comment il aurait réagi en remportant le 3e.
C’était très physique, donc les organismes auraient vraiment puisé, de mon côté comme du sien.
Malheureusement pour lui, ce n’est pas arrivé.
Mais l’intensité a été très forte du début à la fin. Les rallies étaient longs.
J’aurais été Ok même si j’avais perdu le 3e.
Je menais toujours, donc cela n’aurait pas été un problème.
Après l’émotion éprouvée lorsque vous avez remporté votre 14e et votre 15e titre en Grand Chelem, où situeriez-vous ce 16e titre?
Roger Federer : Je pense qu’il faut aussi regarder la façon dont se termine le match.
Si tu mènes 5 jeux à 0, 40-0, et que tu sers, c’est différent.
Là, c’était 13-11 au tie-break…
C’est, d’un côté, un peu comme à Wimbledon : tout-à-coup, c’était fini.
Avant de faire l’amortie, je pensais avoir gagné…
Après avoir loupé ce point, je me dis «Oh mon Dieu, il m’a juste piqué le trophée des mains. Je vais peut-être perdre ».
Mais 2 ou 3 points plus tard, je l’emporte finalement.
Mes émotions ont vraiment fait le yoyo.
Dans ce cas-là, tu essayes simplement de rester concentré.
Une fois le dernier point terminé, j’ai pensé : « Oh mon Dieu, ça y est ! ».
C’était formidable.

Roger, vous avez déclaré sur le court que vous aviez livré l'un des meilleurs tennis de votre carrière.
Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer cela, et comment jugez-vous la qualité de votre tennis par rapport au tennis produit lors des autres tournois où vous vous êtes imposé ?

Roger Federer :Je suis très content de ma performance sur ces deux semaines.
Après, soit tu regardes les deux semaines, soit tu regardes le match.
Au final, je regarde le match, et c'est là où je me dis que c'est l'un des meilleurs de ma carrière.
Je ne peux pas dire que ce soit LE meilleur, car chaque adversaire est différent, chaque tactique est différente, donc toujours difficile à dire...
Mais j'ai vraiment affronté un joueur qui a toutes les armes pour gagner de grands tournois, pour l'emporter contre les meilleurs.
Il l'a déjà montré plein de fois dans le passé.
Pour moi, bien jouer, quasiment du début à la fin, avec un niveau tellement élevé, honnêtement, je savais que je pouvais le faire, mais une fois que c'est fait...
C'est très spécial.
On a eu l'impression que vous aviez tout le temps le contrôle et que rien ne pouvait vous arriver...
Roger Federer :Hum... J'ai trouvé que c'était tout de même très serré.
C'est quand même l'un des meilleurs retourneurs du circuit, si ce n'est le meilleur.
S'il sert bien, il est très difficile à breaker car il ne fait quasi pas d'erreurs du fond de court.
Il faut vraiment pousser, et c'est toi qui dois faire le jeu.
En plus, il contre hyper bien, et s'il veut jouer agressif, il peut aussi !
Ça rend les choses assez compliquées.
Il faut être très serein et beaucoup croire en ta tactique, en ton jeu.
C'est ce que j'ai vite ressenti aujourd'hui: j'ai senti que ce serait un match très difficile.
C'était très intense physiquement et mentalement.
J'ai rarement joué des matches aussi physiques que celui de ce soir.
Comment avez-vous vécu ce tie-break assez incroyable du troisième set ?
Roger Federer :C'est clair que des tie-breaks comme ça, j'en joue rarement.
Peut-être à l'entraînement, mais ça se termine rarement à 13-11 !
Mon record, jusqu'à présent, c'est le 20-18 contre Marat Safin à Houston, en 2003 ou 2004.
Ça m'a un peu fait penser à ça, tu te dis que ça ne va pas vraiment se terminer.
Mais surtout finir sur un tie-break long comme ça, tu peux te retrouver à 24 points de la victoire, ou à 1 point, c'est tout de même très stressant !
Je m'en suis sorti en cherchant les points, en risquant encore à la fin, c'est phénoménal.
Cette patience, est-ce nouveau ?
Est-ce votre degré de confiance qui vous permet de vous dire que tout est possible ?

Roger Federer : Quand je me sens bien, je peux varier mon jeu, je peux prendre des risques, je sers bien.
Donc sur le jeu de retour, cela me laisse la possibilité de tenter des choses.
J'ai ressenti depuis deux semaines que je jouais un tennis superbe.
Je suis encore ravi de ma performance ce soir, c'était l'une des meilleures de ma vie.

Cinq minutes environ se passent entre la balle de match et la cérémo nie.
A quoi pensez-vous sur votre chaise, en attendant que l'on vous appelle pour la remise de la coupe ?

Roger Federer : Plusieurs choses...
Bien sûr, il y a une grande fierté, une grande satisfaction.
Une grande fatigue également qui s'installe, car tu sais que là, tu n'as plus à aller faire le jeu de service, à aller servir à 210 km/h.
Mais c'est quand même quelque chose d'agréable d'avoir gagné, de s'asseoir sur le banc, regarder le public et juste savourer le moment (sourire).
Parce que cinq minutes plus tard, tu es sur le podium, puis tu pars, tu fais la presse etc...
Ces cinq minutes sont assez spéciales.

Après votre finale ici l'an passé, vous êtes revenu encore plus fort avec trois nouveaux titres du Grand Chelem.
Imaginiez-vous cela ?

Roger Federer : J'ai toujours dit que l'an dernier, en finale contre Rafa, j'avais joué un superbe tennis aussi.
Certains pensent que je n'ai peut-être pas joué à mon meilleur niveau, mais c'est un match où je pars en vacances en me disant: "OK, trop fort. Je peux quand même vivre avec ce résultat, la performance était tout de même bonne, et je suis sur le bon chemin".
A Indian Wells et Miami, je n'ai pas joué incroyable et j'arrive pourtant à faire des demi-finales, ça me laisse espérer pour la suite.
J'ai donc quand même pensé, au moment de la défaite, que ce serait une bonne année.
Evidemment, j'espérais que Rafa ne jouerait pas tout le temps à ce niveau, mais c'est quasiment impossible, car lui aussi a gagné quasi chaque tournoi qu'il a disputé, et d'une façon assez incroyable.
Bien sûr, avec du recul, je suis surpris d'avoir gagné Roland-Garros, Wimbledon et maintenant l'Open d'Australie.
Mais je savais que c'était faisable.

Qu'allez-vous dire à vos filles demain matin lorsqu'elles se réveilleront ?
Roger Federer : Je ne sais pas...
Quand je suis parti j'ai dit: "Ah ! C'est une grande journée, hein ! Vous avez dit bonne chance, là ? J'ai bien compris ?".
Elles ont fait du bruit (sourire), donc je me suis dit que c'était peut-être ça !
Au moins, ça m'a donné envie de bien faire, c'était émouvant de partir comme ça.
Quand je vais les revoir, c'est sûr que ce sera spécial.

Vous gagnez aujourd'hui votre 62e titre, rejoignant ainsi Guillermo Vilas et Björn Borg.
Vous êtes n°1 depuis 268 semaines, vous égalez Jimmy Connors.
Et le 14 juin, si tout se passe bien, vous battrez le record de Pete Sampras (286 semaines).
Qu'est-ce que cela signifie pour vous, tous ces records qui tombent ?

Roger Federer : C'est incroyable...
Même pour moi qui ai l'habitude de parler de record depuis plusieurs années.
Mais ce n'est pas quelque chose que je vise, contrairement à ce que certains pensent.
Je ne me dis pas: "Je veux battre ça, il me manque celui-là, ce titre-là serait important pour créer la carrière parfaite".
Non. Ce qui arrive arrive...
Il n'y a pas de chemin pour essayer d'arriver à tous ces succès, à ces records.
Tu peux juste donner ton maximum, avoir envie de le faire.
Si je peux battre le record de Sampras, c'est magnifique.
En même temps, je suis triste pour lui: il était mon idole, et je m'entends très bien avec lui.
Donc si ça arrive, super, mais sans plus.
Bien sûr, je sais que cette victoire va m'aider à m'en rapprocher encore un peu plus, donc c'est super.
Mais on verra la suite.
Lors de ce tournoi, vous avez vécu deux moments difficiles: votre troisième set face à Igor Andreev au premier tour, et votre première heure de jeu face à Davydenko en quart de finale.
Qu'est-ce qui a été le plus dur ?

Roger Federer : Je pense quand même que les deux matches ont eu quelque chose de similaire.
J'ai ressenti non pas que j'étais fragile, mais contre Andreev, le mec jouait le plomb ! Basta.
Contre Davydenko, j'ai vu le score: 6-2, 2-0 pour lui, j'ai pensé que je n'allais pas m'en sortir.
Ce match contre Davydenko, à mon avis, était la clé, avec la réaction (13 jeux d'affilée).
Avez-vous senti Murray craquer en finale ?
Non.
Des Murray ou des Djokovic ont montré depuis plusieurs années qu'ils battent des Top 10 souvent et qu'il sont toujours devant dans les grands rendez-vous.
Ils ont le jeu pour gagner les grands tournois eux aussi.
Murray ne m'a pas battu six fois pour rien.
Et il sait qu'il peut le refaire, même ce soir où il a perdu.
Ces joueurs sont trop forts pour ne pas gagner de grands tournois.
Quelques fois, ce n'est juste pas facile.
On le voit avec Roddick: il a gagné un Grand Chelem en 2003, derrière il n'en a plus gagné d'autre.
Personne n'aurait dit ça.
Mais cela montre que ces grands chelems ne sont pas faciles à gagner.
Merci Monsieur Federer... pour ces bons mots, en plus de votre magnifique Jeu !!!
Allez, au plaisir de vous lire...