Certes, on les avait vus au Musée d’Orsay il y a quinze ans, mais c’est un plaisir nouveau que d’aller au Musée Mahmoud Khalil du Caire et d’y voir la collection de tableaux et sculptures du XIXème (ainsi que beaucoup d’art chinois) que cet homme d’état et collectionneur francophile assembla dans les années 1930. La collection, léguée à l’état, est présentée dans son petit palais assez kitsch, qui fut la résidence de Sadate. L’éclairage y est parcimonieux, les salles un peu poussiéreuses et les visiteurs rares, mais à côté de tableaux orientalistes d’un intérêt médiocre (avec néanmoins un très beau petit Mazeppa de Delacroix), on trouve quelques chefs d’oeuvre.
La Madeleine agenouillée de Jean-Jacques Henner, image inversée de celle de son musée parisien, est lascive à souhait,
mais le plus beau nu du Musée est un tableau d’Ingres, Fatima en Odalisque, qui est assez similaire à La Grande Odalisque du Louvre, à ceci près, d’abord, qu’un faux cadre est peint sur le tableau même : cette mise en abyme, cette présentation du tableau au second degré est, je crois, rare chez Ingres (elle date plutôt du XVI et du XVIIème siècles, des époques de “l’instauration du tableau”). De plus quelques détails diffèrent : le principal est sans doute, exotisme oblige, que l’éventail est fait de plumes d’autruche au lieu de plumes de paon. Mais la sensualité (toute orientale ?) est tout aussi présente et le regard provocant a dû tourner la tête de bien des Cairotes.Un havre de beauté et de sérénité que ce musée au milieu de cette ville épuisante.
Peu de littérature sur ce musée, mais voici, par deux résidentes au Caire, un blog en français (d’où provient la reproduction de La Vie et la Mort) et un en anglais (j’ignorais l’anecdote qu’elle rapporte sur les raisons du legs, mais l’Ingres qu’elle reproduit n’est pas le bon).
Photos interdites dans le Musée, et aucun livre ni carte à la librairie, d’où la mauvaise qualité des images ci-dessus, prises par l’auteur, excepté La Vie et la Mort.