La politique vous ennuie, vous restez sourd à la cacophonie ambiante ? Pourquoi ne pas partir en vacances ? Vous n’en avez pas les moyens ? Aucun problème, Eden (qui porte si bien son nom), est là pour vous. Destination Hawaï. Comment ? Facile, Test Drive Unlimited, le meilleur aller simple qu’on ait jamais proposé. Le rêve pour trois fois rien, une Xbox 360 et un jeu, on a pas inventé mieux depuis les congés payés. Une telle invitation au voyage ne se refuse pas, Test Drive Unlimited c’est beaucoup plus qu’un jeu de course automobile supplémentaire, un sous GTA du genre, avec son menu plein de challenges à la carte. Test Drive Unlimited c’est le tourisme réinventé. Parcourir l’île, immense, foisonnante, avec ses multiples reliefs, sa nature luxuriante, ses plages, montagnes, sa ville, ses quartiers, magasins, concessionnaires automobile, procure une sensation unique, inédite dans le jeu vidéo. Jamais n’avait été proposé, parallèlement aux challenges, aux courses contre la montre, l’adversaire, et autres sous missions, la possibilité simple, évidente, de rouler. Juste rouler, par pur désœuvrement. A son rythme, en respectant ou non la circulation, le code de la route. Rien que rouler, pour le plaisir, jeter un œil sur le paysage, s’arrêter de temps en temps pour contempler le ciel (toujours sublime), entre deux séances de shopping, histoire de s’acheter polos et blazers, Ferrari ou Chevrolet.
Test Drive Unlimited, sorte de jeu baudelairien, qui entre deux challenges intenses, nous invite à l’errance, à se perdre, à oublier le GPS. Malgré son matérialisme absolu (capitaliser pour s’acheter une villa somptueuse, des fringues de marque, des voitures de luxe), le jeu d’Eden nous offre cette liberté incroyable de la balade, de la route, dans des conditions inaccessibles, au volant de bolides rutilants à la plastique hyper sensuelle. Surtout, Eden a compris qu’un jeu de course automobile, c’est toujours plus qu’une lutte contre le chrono. Malgré Bergson, le temps est imperceptible. Rouler dans un jeu c’est toujours une question d’espace, jamais de temps. Négocier un virage, s’avoir se mouvoir dans une courbe, anticiper une distance en ligne droite, c’est une série de pôle d’intensité à maîtriser, une appréhension de l’espace, pour que le défilement ne s’arrête jamais, qu’il soit parfaitement fluide. Test Drive Unlimited a compris ça, son mode free ride, c’est la plus belle invitation à cette joie du défilement, que l’on module selon son humeur, ses envies, au gré d’un espace offert à tous qu’il ne serait même pas utile de dire, ou de croire, qu’il est seulement à conquérir. Faire un appel de phare à un autre joueur, pour lui lancer un petit challenge, histoire de rouler des mécaniques, ce n’est pas que comparer son bolide ou la maîtrise de sa conduite, c’est aussi se mesurer pour profiter à deux de cet espace, généreux, paradisiaque.
Du temps, c’est par contre ce qu’il faut avoir pour se perdre dans Test Drive Unlimited. D’une course à l’autre, d’une balade au shopping, le jeu est si riche, le territoire si vaste, que le temps passe très vite. Et peu importe. Peu importe parce que l’élégance n’a pas de prix. Test Drive Unlimited nous demande beaucoup, il est très exigeant, mais il ne cesse de nous offrir un tel luxe que l’investissement en vaut toujours la peine. Jamais aussi fastidieusement réaliste qu’un Gran Turismo, ni aussi stylisé et sexy qu’un Ridge Racer, Test Drive Unlimited est une synthèse parfaite du genre et à la fois quelque chose d’unique, un jeu harmonieux, à l’expérience inégalée, quelque chose qu'on vient habiter, visiter. Sans sa technologie, sa puissance, cette possibilité qui lui ait offerte, il serait tout autre, le rêve dans le jeu vidéo tenant aussi à la technique, sa capacité de matérialisation écranique. Il n’y a rien dans un jeu, l’imaginaire s’actualisant ou changeant, s’adaptant au fil de la technique, ses progrès. Mais s’il n’y a rien, cela ne veut pas dire pour autant que l’image n’a pas un rôle, tel celui ici d’accroître notre imaginaire. C’est à cela que servent les Xbox 360 ou Playstation 3, comme le Cinemascope ou le Technicolor, elles ne poussent pas vers le réalisme, mais à une démultiplication intensificatrice de l’imagination. Dans Test Drive Unlimited, le rêve est encore plus abondant et réel, et ainsi de suite.
Jérôme Dittmar