Je reprends en guise de rappel ce que j'avais écrit dans mon post du 19 novembre 2007 au sujet du concert de Camané au Cape à EttelbruckCamané est, à mon sens, l'interprète le plus extraordinaire du fado. J'ai déjà eu la chance d'assister à plusieurs de ses concerts, et à chaque fois c'est un tour de chant réinventé. Camané ne fait jamais du réchauffé. Il revisite ses thèmes en les investissant, en les revivifiant, de l'intérieur. Aucun artifice, aucun tape-à-l'oeil, aucun sentimentalisme, avec Camané, tout est dans la nuance, dans le regard introspectif, dans une espèce de contemplation du vers et de la note. On est loin de toutes les clowneries de certain(e)s entertainers du fado de pacotille (à bon entendeur salut). Camané s'intéresse au fado 'pur et dur'. Il prend des textes qui sont des perles véritables de la poésie portugaise et il leur donne une dimension nouvelle par son interprétation vocale et l'alliage avec la musique. Les concerts de Camané sont en apparence sobres et classiques. C'est une succession de chansons, pour la plupart courtes et intenses. Camané les aborde toujours dans un esprit d'exploration, d'interrogation et de conquête. Il ferme souvent les yeux au début, il pousse les mots en avant sur le chemin de l'émotion et de la réflexion, petit à petit il domine la phrase, la soulève et la lâche dans l'arène de la nuit, tout à coup, c'est le cri, le déchirement, la supplication, Camané propulse son chant vers le haut, dans une sorte de gifle lyrique, puis c'est de nouveau l'accalmie, le murmure et la fin tranquille de l'incantation.
Entre les chansons, Camané parle très peu. Pour ceux qui le voient pour la première fois, ça peut paraître bizarre, ce bonhomme qui chante avec tant de puissance et qui ensuite se contente de sourire timidement, de dire merci plusieurs fois et qui se tourne pour applaudir lui aussi ses musiciens. Camané cultive l'art de l'authenticité. Son chant est son seul message. Son offrande magnifique au public.Paulo Lobo