J'ai lu cet article sur le blog Everybody's weird. Il m'a fait monter les larmes aux yeux. Avec la permission de son auteur, je le cite en totalité.
Ma grand-mère paternelle venait du Béarn, cette province où les villages sont des pays et où le soleil rasant de fin d'après-midi accroche la lumière des contreforts pyrénéens comme dans un de ces tableaux inépuisables de la Renaissance Flamande.
Elle était institutrice ; mon grand-père l'aurait courtisée sur les routes de l'exode de 1940. Après la guerre, on lui assignait une école primaire dans cette Normandie étrange de plaines fertiles. Elle y enseigna de longues années, avant de revenir terminer sa carrière chez elle, dans ce hameau où son mari la suivit, construisit de ses propres mains la maison où bien plus tard elle mourut, et eut l'étonnant courage (...) de changer complètement de métier pour devenir le premier et le seul artisan taxi/ambulancier à trente kilomètres à la ronde. Son "affaire" existe encore aujourd'hui.
Cette lettre de 1952, adressée à ma grand-mère, est restée encadrée et accrochée en évidence dans le salon durant les dix ou quinze dernières années. J'ignore si elle a tout le temps été là, ou si on l'a retrouvée au sein de quelque dossier d'archives après son décès. Malgré sa pomposité maladroite et datée, c'est un texte qui me paraît touchant, le reflet fidèle d'une certaine image (perdue ?) de la France et de l'école publique. Surtout, elle me paraît belle, de cette beauté inégalable qu'ont les sentiments humains profonds.
(Ici, il y avait une superbe photo de la lettre en question, prise dans son cadre de bois à la lumière du couchant. Elle s'est curieusement effacée au fil du temps : d'abord visible en grand format, elle s'est ensuite affichée par intermittence, avant de disparaître d'ici, et de son site originel. Je n'ai pas compris pourquoi. Le texte, lui, est heureusement resté.)
R**, le 13-0[?]-[19]52
Chère Madame,
Je viens vous remercier pour le dévouement que vous avez eu à mon égard les années où j'ai fréquenté votre classe. Je sais que je vous ai fait bien souvent la tâche difficile car je ne suis une enfant (sic) et je n'ai pas toujours répondu au désir que vous aviez de me voir travailler de façon appliquée et soutenue. Je vous demande de bien vouloir oublier tout cela pour ne plus penser comme moi, qu'au couronnement de vos efforts.
J'ai subi avec succès les épreuves du concours et je tiens à vous dire merci de tout coeur à vous qui avez été l'artisan de cette réussite. Merci de ma part et merci de la part de mes parents qui vous avaient confié tous leurs espoirs. Je serais très heureuse si vous acceptiez ce cadeau en souvenir de [moi?]. Je souhaite que d'autres élèves viennent à leur tour chaque année vous apporter ce même gage de leur reconnaissance afin que votre carrière se continue aussi brillante.
Pour terminer cet aimable entretien permettez, Madame, que je vous embrasse de tout coeur en vous [réitérant ?] mes remerciements et mes sentiments les plus respectueux.
Votre élève, X.