Dans mon billet Noms composés, j’avais évoqué des propos de Benoist Apparu à propos des mal-logés. Je précise ici en quoi, outre l’écart sur les franco-musulmans, ils m’avaient choqué.
Lorsque l’on demande à notre ministre pourquoi le gouvernement ne réquisitionne pas des logements vides, il s’exclame vertueusement ainsi : « La réquisition, c’est quoi ? C’est une atteinte au droit de propriété. Au nom de quoi va-t-on dire, c’est un logement privé, il est vide, on le réquisitionne ? ». Eh bien, mon cher ministre, on le réquisitionne au nom de la loi. Si le droit de propriété existe, il n’est pas absolu. On peut exproprier quelqu’un pour cause d’utilité publique et, lorsque la législation d’urbanisme n’est pas respectée, l’Etat peut même ordonner la démolition d’un bâtiment.
Notre candide ministre poursuit ainsi : « Problème d’efficacité : est-ce que ça marche et est-ce que ça va être efficace ? […] si vous envoyez comme message aux propriétaires que, s’ils ne louent pas leur appartement, on va le réquisitionner, ch’uis pas convaincu que ça va développer l’offre locative en France, je suis même convaincu de l’inverse. Si on dit à tous les propriétaires de France : " j’vous préviens, si vous louez pas, on va piquer votre logement et on va le réquisitionner", est-ce que vous pensez sincèrement qu’ça va développer l’offre locative en France ? Je n’le crois pas ».
M. Apparu nous parle de sa conviction. Fort bien. Mais sur quoi la fonde-t-il ? Il est vraisemblable que, si l’on vient à envisager la réquisition des logements vides, un certain nombre des propriétaires concernés s’arrangeront pour présenter des justificatifs d’occupation. Mais qu’est-ce qui permet d’affirmer qu’il n’en résultera pas un développement de l’offre locative ? Là où l’argumentation devient surréaliste, c’est lorsque le même ministre nous dit, qu’après avoir recensé le nombre de logements ainsi disponibles, le gouvernement Jospin avait en son temps renoncé à la réquisition. Selon M. Apparu, le fait que M. Jospin n’ait pas utilisé la réquisition démontre que cette procédure est inefficace. En somme, si l’on me dit qu’un régime protéiné fait maigrir, je ne l’observe pas, et j’en conclus à l’inefficacité de ce régime !
Là où notre ministre du logement devient franchement manipulateur, c’est quand il déclare : « si vous louez pas, on va piquer votre logement ». La réquisition ne consiste pas à déposséder le propriétaire, elle l’empêche de jouir à sa guise de son bien. Certes, c’est une contrainte qui peut être sévère mais il est malhonnête de l’assimiler à un vol. Et ce langage familier s’adresse à « tous les propriétaires de France », y compris les plus modestes qui n’ont pu accéder à la propriété de leur logement qu’au prix de lourds sacrifices. Ils ne sont en rien concernés par des mesures de réquisition mais M. Apparu les enrôle ainsi comme soutiens des possédants qui ont choisi la pierre pour mettre leur patrimoine à l’abri.
Nous voilà rassurés. Ce ministre est jeune mais il entretient avec la vérité les mêmes rapports que ses aînés au gouvernement.