L'introduction de ce livre rappelle que l'Inde, au XVIII° siècle a failli être française, ce qui est pour nous une conviction. On ne le dira jamais assez, mais si nous sommes fascinés par tous
ces français qui ont eu un destin en Inde, ce n'est pas tellement parce qu'ils sont français, mais bien parce que l'Inde aurait pu être, en partie au moins, française, essentiellement grâce à
Dupleix, un homme de génie, dont les plans ont été anéantis par le plus bête des ministres de Louis XV, selon la formule désormais passée à la postérité.
Et au-delà, il existe, à notre humble avis, de profondes empathies ou connections entre l'Inde et la France !
Et c’est de tout cela dont nous parle ce livre.
Le premier chapitre est consacré aux aventuriers français. Si nous avons consacré plusieurs articles à ces aventuriers français dans notre blog, ce livre en évoque beaucoup
d'autres, souvent moins connus. On peut mentionner celui qui aurait été le premier d'entre eux, Pierre Malherbe. Celui-ci aurait convaincu Henri IV de fonder une compagnie commerciale en 1609 et
il aurait été le premier français à faire le tour du monde ! Malherbe passa quelques années au service de l'empereur Moghol Abkar auquel il expliqua, en persan, le dogme catholique. Henri IV
semblait convaincu qu'il fallait commercer avec l'Inde mais Sully, absorbé par les guerres avec l'Europe, s'y opposa.
Un bordelais, Augustin Hiriart, suivit sa trace et lui succéda à la cour des Grands Moghols (Jahangir avait alors succédé à Akbar) mais ne réussit pas non plus à attirer la France en Inde. En
1612, Augustin convertit deux jeunes hindoues au catholicisme et en épouse une. Cet Augustin, joailler de son état, brilla surtout en Inde par ses capacités d'ingénieur qui trouvèrent des
applications militaires.
Il faudra attendre Colbert pour voir la création de la Compagnie des Indes Orientales
Ce chapitre évoque aussi Tavernier (1605 - 1689) et François Bernier (1620 - 1688) sur lesquels nous avons déjà écrit. A propos de Tavernier le livre évoque une coutume des marchands indiens ;
Tavernier avait en effet observé que les marchands de diamants, qu'ils soient hindous ou musulmans, concluaient entre eux des transactions dans le plus grand silence, sans une seule parole.
La négociation du prix se faisait par simple pression de la main de l'acheteur sur celle du vendeur, une pression de la main signifiant mille roupies, des cinq doigts 500, d'un seul doigt
100. Ce qui permettait de ne pas dévoiler aux autres marchands le prix négocié ! Est-ce pour cela qu'il ne faut pas prendre de gants pour négocier en Inde ?
Le deuxième chapitre évoque la Compagnie des Indes et les compagnies commerciales fondées par les européens au XVII° siècle. On voit hélas que les français perdirent des occasions à
cause de querelles entre différentes villes dont Rouen et Saint-Malo acharnées dans la défense de leur autonomie commerciale.
Le troisième chapitre est consacré à Pondichéry (nous écrirons un jour sur ce thème que nous n'avons abordé qu'avec Dupleix, mais nous attendons d'y aller !)
Les quatrième et cinquième chapitre nous raconte les tentatives des missionnaires, à commencer par Saint François-Xavier au début du XVI° siècle à Goa.
Le chapitre intitulé "les derniers efforts français" est consacrée à ces français qui se mirent au service des princes indiens, dont René Madec, Benoît de Boigne. On y évoque bien sûr Victor
Jacquemont, Jean-François Allard, noms qui sont familiers à nos lecteurs puisque nous avons écrit sur ces personnalités remarquables.
Un chapitre est consacré aux liens dans le domaine des sciences avec bien sûr Anquetil-Duperron qui débarqua à Pondichéry en 1755 à 23 ans.
Le huitième chapitre, "L'Inde retrouvée" traite de la place de l'Inde dans l'orientalisme français, ou dit autrement de la représentation que la France se faisait de l'Inde. Voltaire, Diderot,
Montesquieu ont évoqué l'Inde, mais sans aller beaucoup plus loin. Si le sanskrit fait son apparition en France vers 1803
Curieusement l'Inde fut assez ignorée par la peinture française romantique. Certes Delacroix intégra quelques éléments indiens dans sa "Mort de Sardanapale", Gustave Moreau fut influencé par les
miniatures mogholes (en photo, le tableau le triomphe d'Alexandre le Grand, Porus) et Odilon Redon puisa dans le bouddhisme son inspiration symboliste, mais l'Orient de cette génération
était situé en Algérie ou en Egypte !
On a souvent reproché aux indianistes d'étudier l'Inde sans l'aimer mais on pourrait dire des artistes et auteurs du XIX° siècle qu'ils ont aimé l'Inde sans l'étudier ! C'est vraiment le cas
des grands Romantiques, belles machines à fabriquer des images fantastiques, des émotions et du rêve, comme le furent Victor Hugo, Chateaubriand, Lamartine, Théophile Gauthier et Gérard de
Nerval. La belle formule de Gobineau pourrait leur être appliquée : "ils ont besoin d'un monde qu'on ne voit pas!". L'Inde semble avoir davantage inspiré les romanciers que les poètes et on
peut citer Judith Gauthier (la fille de Théophile) avec "L'Inde éblouie" qui fut un best-seller dans les années 1850. Il faut aussi mentionner "La maison à vapeur; voyage dans l'Inde
septentrionale" de Jules Verne.
Plus tard, lorsque l'Inde fut devenue indépendante, ce furent les relations étonnantes entre Malraux et Nehru.
Vous l’avez compris, ce livre offre à ceux qui s’intéressent à l’Inde une très bonne synthèse des relations entre la France et l’Inde.