Dominique de Villepin sort d'une semaine qui comptera manifestement pour la présidentielle 2012 avec des éléments nouveaux majeurs.
La semaine écoulée a apporté de très nombreux enseignements de première importance dans 5 domaines déterminants pour la présidentielle 2012.
1er combat : la visibilité. L'opinion a besoin de visibilité notamment pour ancrer ses choix qui, manifestés par voie de sondages, vont faire bouger les lignes. Sur ce volet, Nicolas Sarkozy vient de marquer un point important. L'appel devrait être audiencé au premier semestre 2011. Le temps du procès et celui du délibéré représentent un trimestre. Par conséquent, Clearstream obstrue les perspectives jusqu'au début de l'été 2011 voire même jusqu'à la sortie de l'été 2011 pour le jugement. Pendant toute cette période, l'action de Dominique de Villepin sera présentée comme inspirée par la vengeance et sa candidature présidentielle surbordonnée à l'absence de condamnation. C'est difficile de faire pire pour obstruer toute visibilité. Même si ce constat était de nature à heurter les "grands principes" face à une personne proclamant son innocence, la condamnation légère était probablement une meilleure situation pour Dominique de Villepin. Clearstream est un enjeu de pouvoir et non pas d'argent ou d'enrichissement personnel. Ce dossier ne comptera que modérément pour l'opinion dans son choix final en 2012. Une condamnation légère sans appel de Dominique de Villepin permettait de classer le dossier.
Sur ce premier terrain, Nicolas Sarkozy marque un point à terme.
2ème combat : la valeur ajoutée de chaque candidat. Du côté de Nicolas Sarkozy, cette séquence temps est un nouveau rendez-vous manqué. Lundi soir, avec l'émission sur TF1, il joue un nouveau feuilleton du "born again". Il est calme, conciliant, mesuré, apaisé. Vendredi, toute cette construction est emportée une fois de plus.
Du côté de Dominique de Villepin, le mystère réside dans l'absence de volonté de faire émerger en cette circonstance des nouveaux visages pour aller sur un autre terrain. Brigitte Girardin, Présidente du Club Villepin, a effectué une prestation radio d'une remarquable qualité. En revanche, l'exposition des parlementaires est un choix surprenant.
L'enjeu pour Dominique de Villepin n'est pas de "détourner" des parlementaires mais de les contourner. C'est le même enjeu qu'Obama en 2007 face à Hillary Clinton. Il avait tiré un trait sur les cadres du parti pour jouer les "nouveaux militants" partant du principe qu'il récupèrerait les cadres du parti par réflexe de survie. Pour Villepin, l'enjeu est le même. Il eût été intéressant de voir surgir du neuf. Le message à l'opinion aurait été différent. La bataille sur le terrain des troupes parlementaires est perdu par avance. par conséquent, pourquoi se livrer à cette comparaison : six mousquetaires aux déterminations distinctes ne pourront jamais contrebalancer une armée de 300 et plus. Mais des nouveaux visages, de jeunes, de femmes, de couleurs panachées ... auraient permis de faire vivre une tonalité fraîche et un contenu neuf. Dommage.
Sur ce volet, pour Nicolas Sarkozy comme pour Dominique de Villepin, les usages ou les passions ont pris le pouvoir avec des conséquences collatérales négatives.
3ème combat : l'organisation personnelle. Nicolas Sarkozy assume comme à l'ordinaire. Il campe sur son organisation classique y compris dans le rapport avec le profil des intervenants en temps de crise. Dominique de Villepin a témoigné le talent habituel qui est le sien. Un talent qui ne pourra plus longtemps éviter l'expression claire publique de sa candidature présidentielle. L'émission sur Canal + hier soir fut caricaturale. L'opinion publique ne comprend ni le second degré ni le non exprimé. Il va bien falloir prononcer les "mots magiques". En l'absence, l'authenticité de sa démarche en est altérée.
4ème combat : l'organisation logistique. Là aussi, il est clair que le talent de Dominique de Villepin ne peut épargner des constats concrets. Tout d'abord, sur le rythme des déplacements sur le terrain, les visites doivent être accélérées. Le rythme actuel est d'une visite par mois soit ... 12 départements par an. La présidentielle suppose l'immersion permanente. C'est d'ailleurs la chance de Dominique de Villepin. Ne pas être lesté par l'exercice du pouvoir pour aller sur le terrain à un rythme incomparable. Là aussi, le parallèle avec Obama est instructif. En 2007, il a passé au moins trois jours par semaine à quadriller les Etats.
Ensuite, sur le plan financier, l'enjeu est de franchir un seuil critique. Il n'est pas de vouloir concurrencer l'UMP, c'est impossible. Il s'agit de franchir le seuil qui rend possible l'organisation matérielle d'une campagne. Là aussi le parallèle avec Obama est intéressant. la survie est dans le don individuel faible mensualisé mais reposant sur le grand nombre. Pour une présidentielle française, le seuil pourrait être de 10 000 donateurs cotisant 30 € par mois soit 300 000 € par mois. Contrairement à certains commentaires, ce seuil n'est pas hors de portée, loin s'en faut.
Enfin, c'est le quadrillage du terrain. Là aussi, le parallèle avec la campagne Obama est intéressant car l'enjeu était le même : comment contourner les cadres du parti ? L'intéressé y était parvenu en installant des structures locales légères hiérarchisées pour démultiplier les messages au plus près du terrain et vivant la compétition interne pour être soumises à une émulation permanente.
Sur le plan Français, il importe de vivre avec une nouvelle donne dans les prochaines semaines : la composition des listes régionales UMP qui va augmenter les transferts chez Villepin tant les amers sont nomreux et vengeurs devant les modalités d'éliminations.
Par conséquent, contrairement à bon nombre de commentaires actuels, ce volet de logistique est peut-être paradoxalement le moins handicapant à terme pour Dominique de Villepin.
Le 5ème combat est celui de la valeur ajoutée de chaque candidat. Là aussi, le climat actuel est trompeur.
Dans les derniers mois, cette valeur ajoutée est presque réduite à une considération : la gagne. Pour l'instant, les sondages ignorent le second tour de la présidentielle. Or, Dominique de Villepin peut être le gagnant de cette donnée technique s'il devait s'avérer que seul lui peut gagner à droite un second tour contre la gauche. Nicolas Sarkozy est-il encore en situation de gagner un second tour tant il mobilise contre lui ? Il est permis d'en douter.
Dans la dernière ligne droite, il ne faut pas oublier le réflexe de survie de chaque camp politique. L'actuel débat sur Dominique de Villepin porte sur sa capacité à être présent au second tour. Le jour où la question portera sur l'essentiel : qui est capable de gagner le second tour, la donne du premier tour changera immédiatement.
Pour toutes ces raisons, la semaine écoulée fait naître une indiscutable nouvelle donne qui ne peut, paradoxalement, que conduire Dominique de Villepin à accélérer sa démarche présidentielle pour que cet objectif "écrase" tout autre évènement et ramène l'appel sur Clearstream à une ... "pollution accessoire".
L'organisation des prochaines semaines sera donc très intéressante à suivre.