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L’impôt est une juste contribution, dès lors qu’il sert l’intérêt de ceux qui le paient. L'impôt donne à la volonté générale la force de s’accomplir, c’est le glaive de la communauté contre les velléités centrifuges et les menaces extérieures. Mais il devient insupportable dès lors que la minorité qui en dispose ne représente plus l’esprit du peuple et l’utilise contre le gré de ceux qui l’alimentent.
C’est ce qu’il advint dans notre pays, déjà, au début du règne de Louis XIV, quand celui-ci, encore enfant, avait laissé le pouvoir à L’Italien Mazarin, qui s’était donné pour objectif de renflouer les finances royales, ruinées par les guerres. Une terrible pression fiscale s’abat alors sur les Français, auxquels on demande des sacrifices inouïs pour payer l’impôt royal, la taille. Contraints de trouver de l’argent dans l’urgence, alors que l’économie est encore en grande partie non monétaire, certains sont obligés de vendre leurs biens à quelques profiteurs, pour subvenir aux exigences des collecteurs d’impôts, qui s’enrichissent au passage en prélevant de lourdes commissions. Dans cette situation dramatique, les Français écrivent des centaines, des milliers de pamphlets et de chansons contre l’étranger qui les abuse et trompe le roi. Voici l’une de ces mazarinades, une chanson où gronde la sourde colère du peuple français.
La chasse donnée à Mazarin par les paisans des bourgs et des villages sur le tocsin (1650)
Bourgs, villes et villages, L’tocsin il faut sonner. Rompez tous les passages Qu’il vouloit ordonner ; Faut sonner le tocsin Din, din, Pour prendre Mazarin !
Nuitamment, ce perfide A enlevé le Roy ; Le cruel mérite Estre mis aux abois. Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Ce meschant plein d’outrage A ruiné sans deffautVous tous, gens de Village, Vous donnant des imposts . Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Mettez-vous sur vos gardes, Chargez bien vos mousquets ; Armez-vous de hallebardes, De picques et corcelets. Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Vertu-bleu, se dit Pierre, Je n’y veut pas manquer Car j’ay vendu mes terres Pour les Tailles payer Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Foin de cette bataille, Chez moi il n’y a plus Que les quatre murailles, Tout mon bien est perdu. Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Pour payer les subsites, J’ay vendu mon godet, Ma poësle et ma marmite, Jusques à mon soufflet, Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Moy, pour payer les Tailles, J’ay vendu mes moutons, Je couche sur la paille, Je n’ay pas le teston. Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Taistigué, dit Eustache, J’ay vendu mes chevaux, Ma charrüe et mes vaches Pour payer les imposts. Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Moy j’ay, chose certaine, Vendu mon gros pourceau, Mes chèvres et mes gelines, Pour payer mes imposts. Faut sonner le tocsin,
Din din, Pour prendre Mazarin !
Coulas prit son espée, Et des pierres en sa main, Dit : « Faut à la pipée Prendre cet inhumain ». Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Guillaume prit sa fourche Et trouça son chapeau, Il dit : « Faut que je couche Mazarin au tombeau. Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Notre France est ruinée, Faut de ce Cardinal Abréger les années, Il est autheur du mal. Faut sonner le tocsin, Din din, Pour prendre Mazarin !
Alors qu’on l’interrogeait sur la floraison des pamphlets et mazarinades, le cardinal italien répondit : « Les Français chantent ? C'est bon, c'est bon : ils paieront ! ».
Combien de temps les Français continueront-ils à chanter, avant qu’ils ne refusent de payer ? Mais il n’y a sans doute plus beaucoup de Pierre, d’Eustache, de Coulas et de Guillaume dans notre malheureuse Gaule.
Amaury Piedfer....Passages : péages (routes, ponts, villes).Corselet : armure de fer protégeant le torse.Gelines : poules.Pipée : chasse dont la technique consiste à imiter le cri des oiseaux pour les attirer dans des pièges....