Sur le promontoire rocheux de Hradcany dominant Prague et la Vltava,
après que le soldat de la Garde présidentielle s'en retourne accompagné des deux collègues qu'il vient de relever, un calme relatif s'installe à nouveau : nous pouvons à présent, vous et moi, amis lecteurs, songer à leur emboîter le pas et ainsi pénétrer à leur suite dans
l'enceinte du château proprement dit.
L'imposante grille au monogramme de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche franchie, parfaitement ignorés que nous sommes par les deux gardiens géants tout occupés à terrasser un ennemi, composition baroque due au sculpteur tchèque Ignac Platzer,
celui-là même qui a réalisé les statues ornant la façade du palais archiépiscopal tout proche que nous avons découvert samedi dernier en effectuant notre rapide tour de Hradcanské namesti, la place ici derrière nous, entrons efin dans la première des trois cours successives.
Une petite précision s'impose d'emblée avant de poursuivre plus avant : vous le remarquerez au centre de la prise de vue aérienne ci-dessous :
aucune homogénéité architecturale pour caractériser l'ensemble. Et ce que, par commodité, il est convenu de nommer "château de Prague", matérialisation d'un pouvoir temporel et religieux qui régna en Bohême pendant quasiment un millénaire, constitue en fait une succession, au cours des siècles, de nombreuses demeures, voire d'appartements, d'églises, de palais aussi dont le dernier avatar réside dans les transformations qui ont été entreprises à la constitution de la Première République tchécoslovaque, en 1918, pour aménager des appartements attribués aux différents présidents en activité.
De gauche à droite, sur 570 mètres de longueur : la grande aile semblant serpenter au-dessus de Mala Strana construite pour l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche pourrait un temps faire mentir mon assertion première concernant le défaut d'harmonie si elle n'était immédiatement suivie par le palais Louis, la salle Vladislas, une chapelle, le palais Rozmberk, le palais Lobkowicz (en vert pâle) qui, tous, n'ont en commun que le rouge de leurs toitures respectives. Enfin, apportant son point d'orgue à l'imposante façade, la tristement célèbre tour Daliborka, donjon carcéral quadrangulaire ainsi nommé "en l'honneur" de son tout premier prisonnier, Dalibor de Kozojedy, dont l'histoire, quelque peu théâtralisée, fut notamment chantée dans un opéra éponyme qu'écrivit le compositeur tchécoslovaque Bedrich Smetana.
De la première cour, appelée aussi "Cour d'honneur", dans laquelle nous nous trouvions il y a quelques instants, par la porte Mathias, nous débouchons dans la deuxième, dans l'aile sud de laquelle a été aménagée la résidence présidentielle.
C'est également dans cette aile du château, au deuxième étage très précisément, qu'après les Trois Glorieuses et son abdication, le roi de France Charles X (1757-1836) - celui-là même qui manda Jean-François Champollion au Louvre aux fins de mettre sur pied le premier Département des Antiquités égyptiennes, - le "Musée Charles-X", selon la terminologie de l'époque -, vint passer une partie de son exil, à partir de 1832, invité par l'empereur François Ier d'Autriche, par ailleurs neveu de la reine Marie-Antoinette : là, le roi déchu reçut notamment, avant de poursuivre sa route de banni jusqu'à Görz, en l'Empire autrichien de l'époque, actuellement Gorizia, en Slovénie, l'homme politique et grande plume du Romantisme français, le vicomte François-René de Châteaubriand (1768-1848).
Vous me permettrez d'ajouter ici, dans un but simplement didactique, que c'est dans cette ville à la frontière italo-slovène, qu'atteint du choléra, Charles X mourut en 1836 et surtout, fait peu connu - sauf de la branche toujours active des royalistes français -, que c'est là, à des lieues et des lieues de Paris donc que, dans la crypte d'un couvent franciscain, ils reposent, lui, son fils (reconnu sous le patronyme de Louis XIX par les mêmes royalistes) et l'épouse de ce dernier, Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette ; sans oublier quelques autres affins.
Mais revenons plus prosaïquement au château de Prague : sacrifiant volontairement à notre modernité, l'ancienne petite chapelle Sainte-Croix du XVIIIème siècle - à gauche sur le cliché ci-dessus - se trouve aujourd'hui reconvertie en Office du Tourisme dans lequel, commerce oblige, il est loisible d'acheter quelques bibelots souvenirs, ainsi que les billets d'entrée autorisant la visite du château ...
Privilégiés, escortés par une Garde motorisée, nous arrivons à présent tout naturellement dans la troisième et dernière cour où il semblerait que nous sommes, vous et moi, officiellement attendus ...
Et c'est devant la façade de ce bâtiment hébergeant divers bureaux administratifs de la présidence de la République et du château que nous resterons sans voix, contemplant LE joyau : la cathédrale Saint-Guy-Saint-Venceslas-et-Saint-Adalbert (nom complet la plupart du temps abrégé en Saint-Guy, ou parfois Saint-Vitus, en latin), caractérisée, sur sa tour sud, par un toit baroque en cuivre et en forme de bulbe imaginé à la fin du XVIIIème siècle par Nicolo Pacassi.
C'est donc de ce pays qu'il fit venir Mathieu d'Arras, en réalité avignonnais d'origine, pour effectuer et diriger les travaux. L'édification de ce qui est devenu par la suite un chevet avec arcs boutants à deux niveaux et double volée, ainsi que la couronne de cinq chapelles polygonales rayonnantes, étant à peine entamée,
l'architecte français décède prématurément. C'est alors que l'empereur invite un Allemand, Peter Parler, que j'ai déjà eu l'occasion de citer à propos du pont Charles notamment, dans le but évident de poursuivre la grandiose construction.
D'interruptions dues à différents conflits internes que connut Prague, en passant par l'incendie de 1541 et une restauration obligée, ce vaisseau au départ gothique ne fut définitivement achevé qu'en ... 1929 ; soiot près de six cents ans après le début du chantier !
Une remarquable dentelle de pierre orne la face occidentale datant de 1861, - d'où son appellation "néo-gothique" - qui, dès l'abord, subjugue quand nous arrivons à l'entrée de la cour : le tympan du portail exalte dans la pierre la crucifixion ainsi que, au registre inférieur, la mise au tombeau du Christ. Quelles que soient là nos convictions, nous ne pouvons qu'être admiratifs devant la délicatesse du travail artistique accompli ...
Quant aux tours d'une parfaite gémellité protégeant un gâble qui chapeaute une rosace lovée dans un arc brisé, elles s'élèvent avec inouïe élégance à près d'une centaine de mètres de hauteur.
En contournant immédiatement cette première façade, nous sommes à nouveau grandement impressionnés par le côté sud de l'édifice, de tout autre conception, mais de facture également remarquable.
Deux détails retiendront inévitablement notre attention, hormis les sempiternels échafaudages - clin d'oeil à Nat ...- : la Porte d'Or, bien sûr, à l'extrême droite, oeuvre du même Peter Parler, qui constitue l'entrée officielle et surtout cérémonielle de la cathédrale, caractérisée par ses nervures dédoublées formant trois triangles curvilignes ; entrée que couronne une mosaïque vénitienne évoquant le Jugement Dernier, récemment restaurée.
Mais c'est en levant un peu plus haut les yeux que nous resterons cois d'admiration par rapport à la fenêtre médiane de la tour elle-même : elle se trouve en effet parée d'une splendide grille dorée d'époque Renaissance à la finesse de réalisation qui dépasse presque l'entendement.
Le gros plan que j'ai essayé d'en réaliser ci-dessus ne parvient pas, à mon sens, à suffisamment en rendre compte : c'est d'une grue, à hauteur de la merveille, que je soupçonne d'être finalement peu remarquée par les touristes, qu'il eût fallu que je prisse prendre ma photo ...
C'est avec cette petite note de regret que je mets ici et maintenant un point final non seulement à la présente intervention, mais aussi, amis lecteurs, à la rubrique de mes amours estivales de 2009.
Il est indéniable que la raison d'être de cette quinzaine d'articles que j'ai eu le bonheur de consacrer à Prague chaque samedi depuis octobre dernier résida priopritairement dans l'envie de partager avec vous les émotions esthétiques qui furent nôtres, à mon épouse et à moi, tout au long de ce bien trop court séjour dans la capitale tchèque : je ne sais si j'y suis souvent parvenu mais ce qu'à présent au fond de moi j'espère très sincèrement, c'est de vous avoir, au détour d'une description, au détour d'une photo peut-être, donné envie d'aller personnellement constater de visu qu'en rien je n'ai exagéré ... Et que, surtout, par ces modestes "reportages", je suis bien loin d'avoir eu l'opportunité de vous faire découvrir le tiers du quart de la moitié du reste des trésors que cette ville d'art, véritable musée à ciel ouvert, cèle encore ...
Ces prochains samedis, transition oblige, je vous proposerai, amis lecteurs, de ne pas tout à fait quitter la Tchéquie : j'aimerais en effet, par quelques interventions seulement, vous sensibiliser à l'apport non négligeable dont l'égyptologie bénéficia grâce à certaines des sommités tchécoslovaques du XXème siècle ; ce sera ainsi pour moi, Thésée des temps modernes, l'occasion, après avoir avec vous déambulé dans le labyrinthe des rues pragoises, de renouer avec le fil conducteur, avec le primat de ce blog éminemment égyptophile qui, c'est mon but, se doit de poursuivre en demeurant "EgyptoMusée" ...